Trois affaires en une

Denis Sieffert  • 1 novembre 2007 abonné·es

L’affaire de l’Arche de Zoé est à double ou à triple fond. D’abord, il y a tout le drame humanitaire de ces gamins, en majorité tchadiens, et non soudanais, comme le prétendaient (ou le croyaient) les dirigeants de l’ONG et comme ils le faisaient croire aux familles d’accueil, dont il ne faut pas oublier non plus la détresse. Il y a aussi une affaire d’ONG, au mieux totalement irresponsable, qui risque de jeter injustement l’opprobre sur des associations qui, elles, respectent une éthique scrupuleuse. Cette Arche de Zoé n’est pas, par exemple, membre de la Coordination Sud, ses dirigeants ne sont jamais passés devant le comité d’adhésion de ce réseau totalement transparent. Il ne faudrait pas que cette affaire justifie une mise en cause de l’indépendance d’ONG qui « s’autosurveillent et s’autodisciplinent », comme le souligne Henri Rouillé d’Orfeuil, le président de la Coordination Sud.

Et puis il y a l’affaire politique. Malgré plusieurs correctifs de trajectoires, la nouvelle diplomatie française continue d’emboîter le pas aux États-Unis de George Bush et au lobby « Save the Darfour ». Certes, on n’est plus dans l’hypothèse BHL-Kouchner, qui prônait une entrée en guerre de la France au Soudan. La grille de lecture type « choc des civilisations », qui expliquait tout par un conflit interreligieux, a reculé à l’épreuve de la réalité. Mais la France se veut encore le fer de lance d’une initiative européenne à la frontière soudano-tchadienne. Le président tchadien, Idriss Déby, qui y était plutôt hostile, trouve ici argument pour contrecarrer le projet français, et peut-être aussi un élément de pression sur Paris. D’où la violence, inhabituelle dans ce genre de circonstances, avec laquelle Paris accable les responsables de l’Arche de Zoé. Il s’agit de dépolitiser au maximum cette affaire, fût-ce en abandonnant ces gens à leur sort. Et à faire croire, contre toute évidence, que la France, dont l’armée est omniprésente au Tchad, ignorait tout. Qu’ils soient irresponsables est probable. Cela ne fait pas d’eux des trafiquants d’enfants ou des assassins.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Ambitions internationales et continentales : l’avenir de l’Algérie se joue aujourd’hui
Monde 25 avril 2025

Ambitions internationales et continentales : l’avenir de l’Algérie se joue aujourd’hui

Comment se positionne l’Algérie dans la recomposition du monde ? Comme de nombreux pays européens et africains, avec ses forces et ses faiblesses, l’Algérie cherche sa place.
Par Pablo Pillaud-Vivien
En Cisjordanie occupée, la crainte d’une « nouvelle Nakba »
Reportage 23 avril 2025 abonné·es

En Cisjordanie occupée, la crainte d’une « nouvelle Nakba »

Depuis le début de la guerre, les raids de l’armée israélienne s’intensifient dans le nord du territoire occupé. Dans les camps de réfugiés palestiniens de Jénine et Tulkarem, près de 50 000 personnes ont été poussées hors de leurs maisons, sans possibilité de retour. À Naplouse, les habitants craignent de subir le même sort.
Par Louis Witter
« Israël est passé d’une ethnocratie à une dictature fasciste »
Entretien 23 avril 2025 abonné·es

« Israël est passé d’une ethnocratie à une dictature fasciste »

Le député communiste de la Knesset Ofer Cassif revient sur l’annexion de la Cisjordanie, le génocide à Gaza et l’évolution de la société israélienne.
Par Louis Witter
L’État binational, une idée juive
Analyse 23 avril 2025 abonné·es

L’État binational, une idée juive

L’idée d’un État commun a été défendue dès 1925, par l’organisation Brit Shalom et par des prestigieux penseurs juifs, avant de s’évanouir au profit d’une solution à deux États. Mais cette dernière piste est devenue « impraticable » au regard de la violente colonisation perpétrée à Gaza et dans les territoires palestiniens occupés aujourd’hui. Quelle autre solution reste-t-il ?
Par Denis Sieffert