« Orienter les recherches vers l’intérêt général »

Le système français de recherche est devenu malade des tares issues de multiples générations consanguines de chercheurs qui disposent d’un large pouvoir d’autorégulation. La contestation de certaines recherches et surtout de leurs applications (prenons l’exemple facile des plantes génétiquement modifiées [PMG]) est ainsi balayée d’un revers de main, reléguée au rang de délires obscurantistes.

Mais ces mêmes chercheurs, qui refusaient en conscience toute forme de bridage de leur indépendance par peur d’un pilotage néfaste à leur démarche exploratoire, n’ont pu empêcher l’instillation d’un discours dominant depuis la consécration du modèle néolibéral. Celui-ci, prônant compétitivité, excellence et rentabilité, a progressivement transformé les objectifs de la recherche en imposant l’obtention de résultats à court terme, source potentielle de profits immédiats pour le monde économique. La récente loi d’orientation et de programmation de la recherche fait que le chercheur sera de plus en plus appelé à faire la preuve de sa capacité à valoriser (brevets, start-up, etc.) ses travaux.

Le prétendu garde-fou rationaliste a fini par céder sous les assauts des grands groupes industriels qui ont, pour ainsi dire, conclu une sorte de viager avec la recherche publique.

En parallèle, les questions sanitaires et environnementales sont devenues les unes après les autres des urgences, et si les conséquences n’en sont pas encore précisément connues, les causes font de plus en plus l’objet de questionnement. Suite à différentes crises majeures (Tchernobyl, vache folle, amiante, bientôt PGM et nanotechnologies ?), la société tend à développer une méfiance qui s’est parfois transformée en rejet du monde technoscientifique.

Faire sortir le marchand de la tour d’ivoire des chercheurs est une priorité, mais relève de plus en plus de la gageure. La recherche publique, dont le rôle premier est la production de biens communs, doit d’abord revenir sur ses fondamentaux, pour ensuite profiter de l’extraordinaire potentiel que représente l’ouverture du monde scientifique au monde réel.

Les multiples concertations et débats publics ne suffisent pas. D’autant plus qu’aucun de ces dispositifs n’est contraignant. Il est urgent d’imaginer de nouvelles formes d’élaboration démocratique des choix techniques et scientifiques afin d’orienter les recherches vers l’intérêt général, l’utilité sociale et le développement durable. De nombreuses idées existent comme, notamment, le projet récemment rendu public d’institutionnaliser les conventions de citoyens dont Sciences citoyennes est porteur ^2.

Ces questions seront l’objet de la session de conclusion des « Dialogues Sciences-Planète », cycle de conférence-débat au cours duquel la Fondation sciences citoyennes (FSC) a proposé une Université citoyenne des savoirs, en sept soirées, pour explorer les scénarios d’une planète vivable en 2030.

Cette dernière session se tiendra le jeudi 13 décembre, de 17 h 30 à 20 h 45, à la salle des fêtes de la mairie du Xe, 72, rue du Faubourg-Saint-Martin, Paris.

Thème : « Quel pilotage démocratique de la recherche à l’échelon national et international ? »

Animation : Lionel Larqué (responsable associatif, Sciences citoyennes)</>

Intervenants : Nicole Dewandre (directrice de l’Unité développement durable à la DG recherche de la Commission européenne), Gus Massiah (responsable associatif, Association internationale des techniciens et chercheurs, Crid), Bernard Chevassus-au-Louis (biologiste, Institut national de la recherche agronomique, ancien président du Muséum national d’histoire naturelle) et Christophe Bonneuil (historien des sciences, Sciences citoyennes)

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

A69 : des usines à bitume irritent les riverains

Reportage 10 décembre 2025 abonné·es

A69 : des usines à bitume irritent les riverains


Depuis cet automne, deux usines pour fabriquer l’enrobé de l’A69 ont été installées à proximité du tracé. Les potentiels rejets de substances toxiques inquiètent des riverains, qui ont conçu leurs propres capteurs d’air.
Par Vanina Delmas
A69 : les cinq enjeux d’une audience cruciale
Décryptage 10 décembre 2025 abonné·es

A69 : les cinq enjeux d’une audience cruciale

Une audience cruciale est prévue à la cour administrative d’appel de Toulouse ce jeudi 11 décembre pour acter ou non la poursuite du chantier de l’A69. Décryptage des principaux enjeux.
Par Vanina Delmas
Valérie Masson-Delmotte : « Les questions de climat et d’énergie sont les premiers marqueurs de la désinformation » 
Entretien 10 décembre 2025 abonné·es

Valérie Masson-Delmotte : « Les questions de climat et d’énergie sont les premiers marqueurs de la désinformation » 

Il y a dix ans, lors de la COP 21, 196 pays s’engageaient dans l’accord de Paris à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) pour contenir le réchauffement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Depuis, la climatologue ne ménage pas son temps pour faire de la vulgarisation scientifique et reste une vigie scrupuleuse sur la place des faits scientifiques.
Par Vanina Delmas
Serment de Cambrai : des mutuelles s’unissent contre les ravages des pesticides
Initiative 4 décembre 2025 abonné·es

Serment de Cambrai : des mutuelles s’unissent contre les ravages des pesticides

Face à l’explosion des maladies chroniques, des complémentaires santé s’engagent contre l’agrochimie en France et en Europe, notamment en prévoyant d’investir dans des projets agroécologiques.
Par Vanina Delmas