Le droit des 4×4 à la nature

Hélène Crié-Wiesner  • 24 janvier 2008 abonné·es

Il y a deux sortes d’amoureux des grands espaces, des balades et des animaux sauvages, qui divergent sur la notion de « protection ». Les uns veulent garantir la nature contre les agressions de l’homme, les autres veulent sauver leur liberté d’y accéder. À l’heure où la fréquentation des sublimes parcs nationaux américains n’a jamais été aussi faible, le reste des réserves naturelles fédérales subit l’assaut des adeptes de sports motorisés. Au nom de la liberté inaliénable du peuple à profiter des terres publiques.

Sur tout le territoire des États-Unis, mais surtout dans l’Ouest légendaire, les forêts de séquoias ou d’arbres à coton, les déserts où poussent les cactus géants, les montagnes creusées de canyons se détériorent à une vitesse folle. Les panneaux d’interdiction sont ignorés et les barrières enfoncées. Les 4×4, les motos et les quads s’enfoncent avec allégresse au plus profond de la nature.

Soucieuses d’informer, les autorités ont distribué des cartes indiquant l’emplacement des chemins autorisés. Des campagnes de lobbying prônant la désobéissance ont répliqué illico. Impossible aux gardes de sévir : ils sont trop peu nombreux pour un territoire trop vaste.

Les maisons se sont rapprochées de la nature. L’université du Wisconsin a calculé que, dans ces territoires de l’Ouest, 28 millions d’habitations sont plantées à moins de 50 km de réserves naturelles, que les riverains considèrent comme des extensions de leur jardin. Les immatriculations des véhicules tout-terrain ont triplé depuis 1998 en Californie, dans le Colorado, l’Idaho, le Montana et l’Utah, quadruplé dans l’arrière-pays de Los Angeles, et même quintuplé dans le Wyoming depuis 2002.

Des gros bras musclés, machos et anti-écolos, ces conducteurs ? Même pas ! Prenez n’importe quelle zone rurale de l’Utah : on y compte un véhicule tout-terrain pour trois ou quatre habitants, les enfants de 8 ans eux-mêmes conduisant des miniversions. Le week-end et pendant les fêtes, les autoroutes méritent le coup d’oeil : des camping-cars bourrés d’enfants, conduits par les grands-parents, tirent des remorques chargées de motos et de quads, suivies par les 4×4 des parents. L’argument majeur de ces fanatiques de nature sauvage : les véhicules motorisés permettent aux vieux et aux infirmes d’accéder à de beaux endroits dont ils seraient privés s’il fallait respecter la loi.

Le gouvernement fédéral lui-même a donné l’exemple dès 2001, en délivrant à tour de bras aux compagnies privées des autorisations d’exploiter le bois et les sous-sols de ces réserves naturelles jusque-là intouchables. Dès lors, inutile de s’étonner de l’attitude du peuple américain.

Écologie
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