Le prétexte d’Hitler

Itinéraire de Herschel Grynszpan, jeune assassin à l’origine, malgré lui, de la Nuit de cristal.

Jean-Claude Renard  • 4 janvier 2008 abonné·es

On est en novembre 1938. Henri Jeanson, scénariste de Carnet de bal et d’ Hôtel du Nord , est condamné à dix-huit mois de prison avec sursis pour « apologie du crime ». Il y est allé un peu trop fort pour la justice en ayant salué dans la revue SIA (Solidarité internationale antifasciste) un adolescent coupable du meurtre d’un piètre secrétaire à l’ambassade d’Allemagne à Paris.

Le môme s’appelle Herschel Grynszpan, il est d’origine polonaise, réfugié clandestin en France. À la suite d’un courrier lui relatant la déportation de sa famille, il a voulu attirer l’attention du monde sur le sort des Juifs en Allemagne. Geste politique sur lequel rebondit Hitler, en faisant de cet acte le symbole du « complot juif mondial » pour orchestrer quelques jours plus tard la Nuit de Cristal : 35 000 juifs arrêtés, 267 synagogues brûlées, 7 000 magasins juifs détruits, une centaine de personnes exécutées.

L’itinéraire de Grynszpan, relaté ici par Joël Calmettes, avec l’aide de Robert Badinter, s’épuise ensuite dans les procédures, se fond dans l’Histoire, entre la France et l’Allemagne. Il est incarcéré en France, puis libéré à l’occasion de l’invasion allemande, récupéré par Vichy, livré à Berlin, déporté à Sachsenhausen. Si le procès n’a jamais eu lieu, le récit de Grynszpan, évoqué à coups d’archives, de scènes reconstituées sobrement, démontre combien le recours à la violence peut devenir néfaste à la juste cause. Et si le terme de tragédie a un sens, il est tout entier dans cette existence.

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