La France nous a lâchés !

Politis  • 14 février 2008 abonné·es

« J’ai un bac plus 5 et je n’ai pas de boulot. Au collège, les profs me disaient : « Bosse bien et sois sérieux. » Mais, aujourd’hui, je me suis aperçu que tout ça c’est du pipeau. » « Au bureau, il y a des gens qui me parlent d’islam et puis qui enchaînent sur Ben Laden. Quel est le rapport ? On mélange tout, et ça c’est à cause de la télé et de toutes ces conneries. » Deux petites phrases, deux témoignages sur deux des thèmes ­ le travail et la religion ­ qui reviennent le plus souvent dans l’ouvrage passionnant d’Éric Marlière. Ce sociologue a donné la parole à une soixantaine de « jeunes des cités ». Les propos n’ont pas été expurgés. Ils ne sont pas toujours politiquement corrects. Le problème du sociologue n’est jamais de les juger, mais de les restituer et de les analyser. Éric Marlière a classé les témoignages sous trois grandes têtes de chapitre : le rapport avec les institutions, les « jeunes des cités » et le « système », et la situation sociale. Il en ressort beaucoup d’amertume, une révolte pas toujours bien orientée, et un terrible sentiment d’injustice. « Nous, on est des pions , dit notamment l’un de ces jeunes, des bicots dans des cages à poules, ils ne savent pas quoi faire de nous. » En proie au racisme, victimes des restructurations économiques, « contraints de s’adapter de manière pragmatique à l’illégalité » , ces jeunes « se construisent des discours radicaux et extrémistes » , note Éric Marlière. Mais ces discours, aussi excessifs soient-ils, sont hélas alimentés par une réalité faite de stigmatisation et de discrimination. Un livre passionnant pour tous ceux qui ne se résignent pas à cette situation.

Idées
Temps de lecture : 1 minute

Pour aller plus loin…

Désoccidentalisez… il en restera bien quelque chose !
Essais 5 décembre 2025 abonné·es

Désoccidentalisez… il en restera bien quelque chose !

À travers deux ouvrages distincts, parus avec trente ans d’écart, le politiste Thomas Brisson et l’intellectuel haïtien Rolph-Michel Trouillot interrogent l’hégémonie culturelle des savoirs occidentaux et leur ambivalence lorsqu’ils sont teintés de progressisme.
Par Olivier Doubre
Appel des intellectuels de 1995 : « Bourdieu a amendé notre texte, en lui donnant une grande notoriété »
Entretien 4 décembre 2025 abonné·es

Appel des intellectuels de 1995 : « Bourdieu a amendé notre texte, en lui donnant une grande notoriété »

L’historienne Michèle Riot-Sarcey a coécrit avec quatre autres chercheur·es la première version de l’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes, alors que le mouvement social de fin 1995 battait son plein. L’historienne revient sur la genèse de ce texte, qui marqua un tournant dans le mouvement social en cours.
Par Olivier Doubre
L’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes de 1995, tel que rédigé initialement
Histoire 4 décembre 2025

L’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes de 1995, tel que rédigé initialement

Ce texte fut ensuite amendé par certains militants et grandes signatures, en premier lieu celle de Pierre Bourdieu. Mais les cinq rédacteurs de sa première version – qu’a retrouvée Michèle Riot-Sarcey et que nous publions grâce à ses bons soins – se voulaient d’abord une réponse aux soutiens au plan gouvernemental.
Par Olivier Doubre
Romane Bohringer : « Les mères défaillantes ont besoin de soins, pas d’être jugées »
Entretien 3 décembre 2025 abonné·es

Romane Bohringer : « Les mères défaillantes ont besoin de soins, pas d’être jugées »

Dans Dites-lui que je l’aime, adaptation très libre du livre éponyme de Clémentine Autain, aussi présente dans le film, la réalisatrice rend hommage à des femmes, leurs mères, dans l’incapacité d’exprimer leur amour à leur enfant. Elle explique ici comment elle a construit son film à partir du texte de l’autrice, en qui elle a reconnu un lien de gémellité.
Par Christophe Kantcheff