À rebours du discours officiel

Sébastien Boussois analyse la démarche des universitaires israéliens qui ont déconstruit les mythes de l’État hébreu.

Denis Sieffert  • 13 mars 2008 abonné·es

Tous les pays ont leurs mythes. Mais ceux d’Israël ont une double particularité. Ils constituent la trame officielle d’une histoire encore récente. Et ils se rapportent à la création même de l’État hébreu. Ils ne sont donc pas recouverts de l’épaisse poussière du temps et ils demeurent un enjeu considérable dans la politique d’aujourd’hui. On comprend mieux dans ces conditions les difficultés rencontrées par ceux que l’on appelle les « nouveaux historiens » pour faire triompher certaines vérités et bousculer des mythes qui s’apparentent à une propagande.

Thésard ayant collaboré au livre de Dominique Vidal, Sébastien Boussois rappelle ici le contexte dans lequel les nouveaux historiens ont pu, à partir de la fin des années 1980, contester parfois violemment le récit officiel des événements qui ont secoué l’ancienne Palestine mandataire entre novembre 1947 (le plan de partage voté par les Nations unies) et l’armistice de juillet 1949. Ce contexte est à la fois universitaire et politique. Trente ans après les faits, les archives secrètes se sont ouvertes aux chercheurs. Benny Morris, Ilan Pappé, Avi Shlaïm, pour ne citer que les principaux, ont pu alors puiser dans une matière jusque-là inaccessible. Mais si leurs révélations sur les conditions de l’expulsion de quelque huit cent mille Palestiniens ont été audibles, c’est aussi qu’elles entraient en résonance avec une situation qui leur fournissait une crédibilité tragique. Israël venait de mener une campagne sanglante au Liban, son état-major s’était rendu au moins complice des massacres de Sabra et Chatila. L’anéantissement de villages arabes, notamment, au cours du printemps 1948, n’en devenait que plus plausible. L’auteur met en évidence ce va-et-vient de l’histoire. Il évoque les personnalités fort différentes de cette révolution intellectuelle et morale : Morris, personnage double, qui reste comme étranger à ses propres travaux ; Pappé, l’homme engagé qui, à l’inverse, tire les conséquences politiques de ses découvertes ; et à mi-chemin des deux, Avi Shlaïm, ferme et modéré, le plus « classique » des nouveaux historiens.

Culture
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