Courrier des lecteurs Politis 998

Politis  • 17 avril 2008 abonné·es

Kokopelli sur la sellette

Je reste déconcerté par la teneur très «pro-Kokopelli» de l’article «Graines de victoires» paru dans le n°989 de Politis , ainsi que par le manque d’informations que vous avez le triste privilège de partager avec Nathalie Kosciusko-Morizet (ce qui n’est pas une référence).

Vous avez, en premier, «oublié» de préciser que Kokopelli a été aussi condamné à payer 12~000 euros à l’entreprise Graines Baumaux, qui, elle, n’a pas le profil de méchante firme agrosemencière, mais qui est juste une PME de vente par correspondance de graines de légumes et de fleurs, et qui fait le même métier que Kokopelli. Elle n’est pas la seule, il y a aussi le Biau Germe, la Ferme de Sainte-Marthe et bien d’autres petites entreprises qui se consacrent à cultiver la diversité.

Leur différence avec Kokopelli est qu’ils inscrivent leurs variétés au registre annexe des variétés anciennes du catalogue national, qui existe depuis 1997, et a été créé pour prendre en compte la préservation de la biodiversité.

L’inscription à ce registre est payante, cela sert à payer des tests et protocoles pour vérifier la conformité de la variété et la traçabilité de la production de graines jusqu’à la vente au consommateur.

Kokopelli, en refusant d’inscrire les variétés qu’elle commercialise, se place en dehors de la loi, mais aussi dans une situation favorable par rapport à ses concurrents (qui ne sont pas les grands semenciers), qui, eux, payent les inscriptions pour les variétés anciennes. Que diriez-vous d’une entreprise qui, trouvant qu’ils sont trop chers (c’est l’argument que j’ai entendu prononcer par le président de Kokopelli), oublierait de payer ses taxes ou ses impôts? Avec de tels concepts, on se rapproche plus de l’ultralibéralisme que de la gentille association. En outre, en agissant ainsi, Kokopelli ne permet pas la réalisation de tests indépendants qui peuvent garantir aux consommateurs la conformité des graines (avec tous les risques que cela comporte).

La visite du site Internet de Kokopelli laisse encore plus pantois. Il y figure un appel à pétition, dans laquelle il est précisé que le signataire «demande que la loi affirme le droit inaliénable de toute personne de cultiver, multiplier, acheter, offrir, céder, transmettre, tout végétal sans restriction». On croit rêver, même les plus ultralibéraux n’oseraient écrire de telles sornettes. Avec de tels arguments, n’importe qui pourrait, sans contrôle, cultiver du pavot et vendre de l’opium; cultiver des plantes OGM et en distribuer partout; piller des espèces végétales menacées ou en voie de disparition (enfreindre la convention Cites); cultiver des plantes invasives dans les parcs naturels et les espaces préservés, etc.

Je pensais que votre journal se plaçait sous l’angle de l’analyse et ne commettait pas la même erreur que la plupart des autres journalistes et du monde politique qui suivent, tels les moutons de Panurge, celui qui crie (le plus fort) qu’il est la victime de tel ou tel gros lobby agro-industriel. Le libéralisme le plus extrême avance parfois avec un visage angélique.

Jean-Paul Davasse

Nous soutenons le combat de Kokopelli, et nous ne sommes pas les seuls, pour des raisons qui nous semblent de plus en plus centrales~:

­ Nous n’avons pas mentionné la condamnation de Kokopelli à payer une amende à Baumaux, issue d’un simple conflit d’intérêt économique, afin de mettre l’accent sur la revendication de fond qui oppose l’association à la politique de l’État français, qui dénie un vrai droit d’existence aux semences traditionnelles et paysannes en dehors du cadre d’un registre marginal du Catalogue national (à 246,90 euros l’enregistrement par variété~!), et restreint leur diffusion à « l’usage amateur » , autant dire l’antichambre de la disparition. On ne saurait tenir cette camisole pour un outil de maintien de la biodiversité. Cette politique de l’État est tout sauf un exemple, et la rébellion de Kokopelli, qui s’apparente à la désobéissance civique des faucheurs d’OGM, a le mérite d’appuyer où ça fait mal.

­ On ne peut prétendre que Baumaux ­~dont le chiffre d’affaires est dix fois supérieur à celui de Kokopelli~­ joue le même rôle que l’association militante~: à côté de quelques semences bios (dont la vente constitue l’intégralité de l’activité de Kokopelli), on trouve dans son catalogue des pesticides classiques ou des variétés très invasives et critiquées, comme le kikuyu, gazon pour régions sèches.

­ Enfin, nous ne partageons pas votre crainte du débordement anarchique et ultralibéral qu’induirait le combat de Kokopelli, qui reste avant tout politique. À notre connaissance, les graves périls que vous dénoncez sont déjà à l’oeuvre (approbation des OGM, diffusion de variétés invasives, pillage et accaparement de la biodiversité, etc.), et cette association n’en porte pas la responsabilité. Ce n’est pas le foisonnement des espèces que nous redoutons, mais bien plus la mortelle restriction de leur vitalité, notamment par la mainmise de l’agro-industrie et des biotechnologies sur les ressources génétiques.

Le Tibet

La confusion qui règne autour du passage de la flamme olympique va-t-elle vraiment profiter au peuple tibétain ? Coté médiatique, cela semble plutôt réussi. Montrer aux dirigeants chinois la mobilisation du monde sur ce sujet est une étape indispensable, mais ce n’est qu’une étape. Le résultat à obtenir est une évolution significative, qui ne pourra être que graduelle, vers plus de démocratie en Chine. Humilier les dirigeants chinois serait contre-productif, boycotter les Jeux également. La seule solution réaliste est de renforcer encore les liens économiques, politiques et culturels avec la Chine. Communiquer davantage représente le seul espoir de changer quelqu’un. Un dialogue amical mais ferme, avec ce qu’il faut, dans ce cas précis, de pressions.

Et puisque nous avons cette tendance à donner des leçons aux autres pays en matière de Droits de l’homme, améliorons ce qui doit être amélioré chez nous : un traitement plus humain du problème de l’immigration, une attitude plus tolérante à l’égard des minorités raciales et religieuses, humanisation des prisons, des hôpitaux psychiatriques, etc. Bref, balayons en même temps devant notre porte, nous n’en serons que plus crédibles.

Edmond Rosa, Paris

Arts plastiques

Nouvel abonné (depuis janvier) j’apprécie Politis . Je regrette simplement que, dans les pages culture, il ne soit jamais question d’arts plastiques. Ce domaine est souvent négligé par les médias traditionnels, en dehors des grandes expos organisées par nos dirigeants aveuglés de libéralisme. Peut-être serait-il intéressant d’y remédier…

Lionel Pene

Changeons de tactique

Puisque l’individualisme prôné par le Medef est à la mode et que le PS dérive vers le centre droit, qui plombe l’idéal socialiste des partis de gauche, changeons de tactique ! Si, au lieu de toujours s’en remettre aux partis politiques, syndicats, collectifs et associations, les citoyens prenaient leur sort en main ?

Assez des sempiternels articles qui ne convainquent que des convaincus, des pétitions que l’on ne regarde même pas et des manifestations qui lassent. Les travailleurs pauvres et les précaires, les chômeurs et les stagiaires, les RMistes et les petits retraités pourraient fort bien prendre la plume et exposer leurs difficultés pour survivre à ceux qui ont les moyens et le pouvoir d’y remédier. Individuellement et par écrit, chacun d’eux pourrait s’adresser aux élus de sa résidence en une action insistante et continue, destinée à faire prendre en compte leurs doléances par le « pouvoir ». Changeons les choses, de l’action !

De ces millions de Français (l’Observatoire national de la pauvreté dénombre deux millions de travailleurs pauvres à moins de 800 euros par mois) qui se débattent dans un monceau de lois et de règlements qui les enfoncent dans la précarité et la misère devrait jaillir un fort courant d’exposés de situations impossibles à tenir vers ceux qui ont la charge de l’avenir. Notamment vers les députés, qui ont une vue d’ensemble des situations et, en principe, contrôlent le gouvernement. Chacun d’eux devrait être sans cesse rappelé à son devoir d’une plus juste répartition des richesses.

Avec l’angoisse de perdre leur siège ­ avec son bulletin de vote, le citoyen représente une force que, parfois, il ignore ­, les députés songeraient peut-être à changer le processus d’une marche vers l’avenir dont le dogme de croissance a pour résultat la misère du plus grand nombre. […]

Que chacun fasse donc valoir ses droits d’humain sous forme de questions pertinentes à ses élus des conseils municipaux, généraux et régionaux, et au député de sa circonscription jusqu’à obtenir une réaction favorable. […] Un flot de courrier arriverait peut-être à faire réfléchir les plus libéraux. […]

Jean Paindavoine, Bazarnes (Yonne)

Donner l’exemple

Dans le mouvement antilibéral et de transformation sociale en construction, les mérites de chacun ne sont pas forcément proportionnels à la place généreusement attribuée dans les colonnes de Politis . Fort heureusement, d’ailleurs !

C’est notamment le cas de François Simon. Certes, il est difficile de contester la pertinence et même la justesse de son analyse de fond.

Non ! C’est au niveau des perspectives et des propositions que le bât blesse.

Il faut savoir, bien qu’il n’y fasse jamais allusion dans sa tribune, que François Simon est la figure de proue d’une organisation politique issue des dernières élections régionales, l’Alternative en Midi-Pyrénées (AMP).

Cette organisation, qui avait fait naître, localement, beaucoup d’espoirs, car elle semblait préfigurer ce qui aurait pu devenir la base d’un rassemblement de type nouveau, unitaire et antilibéral, s’est progressivement muée en une sorte de mouvance sectaire antiparti, et, à force d’exclusives et d’a priori, s’est petit à petit resserrée autour de la seule personnalité de François Simon.

À partir de là, il est plus facile de comprendre pourquoi il y a eu, à Toulouse, deux listes antilibérales aux municipales, et pas de liste unitaire ! L’une, conduite par la LCR, se la jouant perso, dans la perspective de son élargissement au NPA, et l’autre en solo, pensant que la seule notoriété de François Simon suffirait à lui donner un score à deux chiffres, comme aux régionales.

On sait ce que cela a donné ! Lagauche antilibérale et de transformation sociale en est ressortie encore plus divisée et incapable de peser sur le bipartisme qui se met en place. […]

Aussi, quand François Simon dit qu’ « il est temps pour les militants des divers partis de prendre leurs responsabilités et de construire une véritable « Linke », gauche alternative, ou de continuer à comptabiliser les décimales de leurs défaites ou victoires intestines », on serait tenté de dire bravo ! À celà près, toutefois, que pour être vraiment crédible, il faut commencer par donner l’exemple, et partir du principe que, parmi les forces authentiques de transformation sociale, il n’y a pas d’adversaires, mais, au pire, des incompréhensions.

Et ça, ça se soigne, avec simplement de la bonne volonté réciproque.

Armand Bacca

Mobilisation à Lakanal

Depuis une semaine, le lycée Lakanal, réputé pourtant pour être majoritairement de droite et pour n’avoir fait aucune grève lors de Mai 68, se mobilise fortement. Il y a d’abord eu plusieurs AG, puis, mardi 8 avril, cent personnes ont manifesté à Paris. Jeudi 10, avec 40 lycéens, nous avons tenté un blocage intérieur du lycée, qui a échoué à la suite des pressions du proviseur et des CPE [conseillers principaux d’éducation]. Nous avons donc fait un sit-in devant notre établissement en bloquant bus et voitures, avec environ 250 personnes du lycée, dont 5 professeurs. Puis, l’après-midi, nous sommes allés avec un cortège de 250 lakanaliens à Paris pour la manifestation. Je voudrais mettre l’accent sur le fait que les manifestations se sont très bien passées, c’est-à-dire que, contrairement à ce que l’on a pu voir dans les médias, les casseurs ne sont pas les lycéens, et ils agissent en marge du cortège, ce qui n’est pas assez précisé. Au lieu que le mouvement s’évapore, il n’a fait que se renforcer puisque, vendredi 11, il y a eu de nouveau un sit-in dès 7 h 30, avec 200 personnes devant l’établissement. Et nous avons rejoint le lycée Marie-Curie pour bloquer un carrefour important de Sceaux avant de nous rendre à la sous-préfecture d’Antony et de bloquer la N20 pendant une demi-heure.

Je me suis renseigné pour savoir en quoi les réformes concerneraient notre lycée, et le professeur d’anglais et un des CPE m’ont dit qu’il y aurait des postes en moins à la suite de départs en retraite, que l’on annonçait d’ores et déjà des classes d’anglais à 28 élèves, alors qu’il est très difficile d’enseigner une langue à plus de 15 élèves. Ils m’ont également dit qu’il y aurait un système d’heures sup contraignant et que, bien qu’elles soient défiscalisées dès la première heure, elles ne rapportaient rien par rapport au travail à fournir derrière. […] Ayant été moi-même dans une classe de première ES à 36 élèves et étant cette année en terminale à 34, je peux dire qu’il est impossible, même dans un cadre favorisé, de canaliser la classe et de cibler les élèves en difficulté. Ces mesures ne font que favoriser l’échec, et nous en sommes les témoins. […]

David Perrotin, Sceaux (Hauts-de-Seine)

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