Pauves riches

Hélène Crié-Wiesner  • 19 juin 2008 abonné·es

Tous les nantis ne tirent pas profit de la crise économique mondiale. Que des millions de pauvres deviennent chaque jour encore plus démunis, que les classes moyennes de partout – et même des États-Unis – aient de plus en plus de mal à payer leur maison, leur essence et leur nourriture n’implique pas que tous les riches en profitent. Pour certains, ça ne va pas fort. Le New York Times racontait la semaine dernière [^2] leur navrant quotidien : ils avaient un revenu annuel de 8 millions de dollars, tombé à 2 millions ; ou bien de 20 millions, réduit à 8 millions. Certains n’osent pas l’annoncer à leur conjoint(e), qui continue innocemment à dépenser les mêmes fortunes en vacances, coiffeur, coach ou fringues, entraînant le couple dans une spirale de dettes impossible à éponger. D’autres coupent dans les dépenses les moins visibles socialement, vendant en douce les bijoux et l’art dormant dans des coffres. Beaucoup grossissent, figurez-vous ! Stressés, ils font comme les Américains de basse extraction : ils grignotent des cochonneries.
La société Regent Jet, qui loue des jets privés, révèle que ses clients ont diminué leurs dépenses d’environ 25 % ces derniers mois. Un promoteur immobilier qui claquait 1,5 million de dollars par an dans cette compagnie a adopté un budget aérien annuel plus raisonnable : 250 000 dollars. Non seulement ils choisissent des appareils moins luxueux et moins gourmands, mais ils se déplacent moins.

Dans son livre Comment les riches détruisent la planète [^3], Hervé Kempf énonçait une théorie lumineuse : le peuple a toujours imité les classes sociales immédiatement supérieures ; plus celles-ci dépensent, consomment, gaspillent, plus ceux « d’en bas » aspirent à en faire autant. C’est pourquoi il est illusoire d’espérer infléchir le mode de vie d’une société si ses élites économiques n’inversent pas la barre.
Nous y voilà ! Touchés eux aussi par la crise financière et celle des matières premières, les « celebs » , comme ont dit ici, réduisent leur train de vie. Donc leur empreinte environnementale. Encore faudrait-il, pour que cet infléchissement ait effet d’exemple, que la démarche soit volontaire, revendiquée, et non honteusement subie.
J’ai rencontré personnellement quelques malins qui ont basculé vers la « green attitude », trouvant ainsi prétexte à se défaire la tête haute d’une Porsche, d’une Harley Davidson, ou encore d’une futile résidence dans les Caraïbes. Le tsunami vert pomme qui submerge l’Amérique – oui, oui, la lutte contre l’effet de serre est vraiment devenue une grande cause populaire, à défaut d’être gouvernementale – va sûrement aider à décomplexer les riches.

[^2]: « It’s not easy being less rich », 1er juin.

[^3]: Le Seuil, 2007.

Écologie
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