C’est chié !

Toujours provocateur, Andres Serrano expose une série de gros plans sur des étrons.

Jean-Claude Renard  • 2 octobre 2008 abonné·es

Le bougre retors n’en est pas à son premier coup d’essai. Andres Serrano est un récidiviste. Voilà une vingtaine d’années, dans une série basée sur les fluides corporels (le sang, le sperme et l’urine), il avait franchement agacé le puritanisme américain, créant une polémique avec Piss Christ , un crucifix baignant dans une atmosphère amniotique faite d’urine. Articulées autour des oppositions, entre la vie et la mort, le profane et le sacré, ses images suivantes n’ont pas manqué non plus d’irriter. Portraits hiératiques de clodos, de sans-abri, membres du Ku Klux Klan, scènes pornographiques, corps étendus à la morgue. Le photographe hispano-américain n’est pas un innocent. À chaque fois, c’est un parti pris iconographique qui pique dans le lard de la provocation. Une esthétique hors des conventions, hors du politiquement correct.

Serrano n’est évidemment pas le premier turbulent si l’on songe à l’urinoir de Duchamp, aux performances sanguinaires et fécales des actionnistes viennois. Dans cet état d’esprit, cette volonté de briser les tabous, Andres Serrano revient sur les cimaises, à la galerie Yvon Lambert à Paris. Avec une série dont le titre a le mérite d’être clair : Shit . Soit cinquante-deux grandes photographies en couleur, toutes accolées le long de trois murs d’une vaste salle. Cinquante-deux images et autant d’étrons donc, saisis (croqués dirait-on) en gros plans. Parfois, on y distingue une mouche, forcément. Sur fond acidulé, elles donnent l’impression de natures mortes. Qui n’en sont pas moins choquantes, brutales mais interrogent le regard. Qui imposent aussi une réflexion sur les limites, le tolérable et l’intolérable. Pour Serrano, dans la logique de son travail sur les sans-abri ou à la morgue, désacralisant l’œuvre d’art, il s’agit toujours de montrer ce qui précisément ne s’expose pas. En laissant entendre quelque chose comme « démerdez-vous ! ».

Culture
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