La bande à Bono contre-attaque

Christine Tréguier  • 2 octobre 2008 abonné·es

Le vote au Parlement européen du « Paquet Télécom » – trois directives sur les réseaux et services de communication – vient de plomber la « riposte graduée » (prévue par le projet de loi Création et Internet présenté mi-juin au Conseil des ministres). A priori, le Paquet Télécom n’a pas à voir avec les contenus, leur piratage et les sanctions (avertissement puis coupure d’accès) auxquelles la France voudrait convertir les autres États membres. Mais les industriels des contenus y avaient fait glisser quelques amendements pouvant favoriser sa mise en place.

C’était compter sans la vigilance des contre-lobbyistes et d’eurodéputés comme le groupe des Verts ou le PSE Guy Bono, qui ont identifié les pièges et réécrit des amendements protégeant les libertés des utilisateurs. L’amendement 138, par exemple, dit « Bono-Cohn-Bendit », ajouté au rapport Trautman, fut accepté, modifié, coupé en trois, avant de finir en amendement oral et adopté à 573 voix contre 74. Il stipule qu’ « aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire en application notamment de l’article 11 de la charte des droits fondamentaux sauf en cas de menace à la sécurité publique… ». Bono affirme que cet amendement « garantit que le projet de loi français sur la riposte graduée, qui évacue l’autorité judiciaire au profit d’une autorité administrative (l’Hadopi), ne pourra pas voir le jour en Europe […]. On ne joue pas comme ça avec les libertés individuelles ».
Le lendemain, réaction édifiante au ministère de la Culture : Bono interprète, le projet de loi n’est pas remis en cause, et d’ailleurs « la suspension d’Internet est-elle vraiment une restriction d’une liberté fondamentale ? Ça reste à voir ». C’est oublier un peu vite que le même Bono a, en juin, fait voter un rapport invitant Commission et États membres « à éviter l’adoption de mesures allant à l’encontre des droits de l’homme […], telles que l’interruption de l’accès à Internet ». La commissaire Viviane Reding est venue à la rescousse, annonçant son intention de faire retirer cet amendement qui n’aurait rien à faire dans une directive. Les 573 députés qui ont voté pour apprécieront…

Dans les prochains épisodes, « la bande à Bono » devra défaire d’autres textes réglementaires européens, mais aussi le redoutable Acta (Accord de commerce anti-contrefaçon), en négociation non publique entre États-Unis, UE et Japon, prévoyant, entre autres, « une sorte de compétence judiciaire universelle en matière de piratage, quel que soit le lieu de résidence de l’ayant-droit ou le lieu de l’infraction présumée ».

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