« Obama fera les réformes nécessaires »

Confrontés à une forte hausse de la pauvreté et à une diminution de leurs budgets, les travailleurs sociaux de l’Ohio espèrent un renversement de la tendance.

Xavier Frison  • 9 octobre 2008 abonné·es

Sept années de crise économique et sociale n’ont pas réussi à doucher leur enthousiasme, mais l’heure est grave. Réunis sur le petit campus de l’Ohio Dominican University, à Columbus, la capitale de l’Ohio, les ­membres locaux de l’Association nationale des travailleurs sociaux (NASW, 150 000 membres) débattent de leurs pratiques et difficultés. Dans cet État durement touché par la crise, il y a « tellement à faire en direction des populations les plus modestes » , résume Rebecca Sanford, l’une des onze professionnelles en session dans la salle 301. Pourtant, « notre budget global a diminué ces dernières années, alors que les besoins ont augmenté » , regrette Cynthia Webb, directrice exécutive de la NASW pour l’Ohio. « Nous avons dû interrompre certains programmes de soutien parce que nous n’avions plus assez d’argent », confirme Danielle, une jeune travailleuse sociale dans le secteur de la santé mentale. « “We are at war”, voilà ce que nous disent les autorités pour justifier ces coupes budgétaires » , lâche Cynthia dans un grand soupir.

« Nous sommes en guerre » : l’antienne connue depuis le 11 Septembre marque « le début des grosses difficultés » , juge Danielle. « Dans les écoles publiques de la ville d’Akron, un tiers des enfants ne vivent pas chez eux, mais chez des parents, des amis ou même dans la rue » , se désole Dorothee. La crise des subprimes est passée par là : « Chaque travailleur social suit au moins une famille menacée de perdre sa maison » , estime Rebecca, qui travaille à Cleveland, l’une des villes les plus pauvres du pays. Conséquence, les demandes de logements sociaux ont explosé, et les dispositifs d’aide publique ne jouent pas leur rôle : « Le seuil de pauvreté pour une famille de quatre personnes, qui donne droit à l’aide sociale, est fixé à 21 000 dollars de revenus annuels dans ­l’Ohio, détaille Cynthia. Or, dans la réalité, une famille de ce type doit gagner au moins 50 000 dollars pour vivre ici. Tous ceux qui se situent entre ces deux chiffres sont dans une situation extrêmement précaire. » Pour Pamela Patton, présidente du bureau de la NASW de l’Ohio, « il y a énormément de travailleurs pauvres qui passent à côté des aides » . En poste dans un hôpital, Pamela voit également trop de seniors sans ressources, mal couverts par le système public Medicare, réservé aux plus de 65 ans : « Certains me disent “J’ai vécu trop longtemps”, parce qu’ils n’ont plus de quoi se soigner. »
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Travailleurs pauvres, retraités ou sans-emploi, les moins chanceux d’entre eux finissent à la rue. *« Le nombre de sans-domicile a énormément augmenté ces trois dernières années,
estime Cynthia. Ils vivent dans les supermarchés, les bibliothèques publiques, les stations services, tout ce qui est ouvert 24 h/24. » Autre catégorie de population fragilisée, les réfugiés, pour qui l’Ohio est une des principales ­terres d’accueil du pays. « Nous travaillons avec des réfugiés légaux de Somalie, du Bhoutan, de Birmanie et bien sûr d’Irak », égrène Karina Harty-Morrison, coordinatrice d’un programme en faveur des immigrés et réfugiés de Columbus. « Mais comment agir pour eux quand il n’y a plus d’emplois ? » Les réfugiés irakiens, menacés de mort dans leur pays pour avoir travaillé avec les Américains, connaissent les mêmes affres. « Que font les autorités pour eux ? » , s’interroge Vince Costello, le seul homme de l’assistance. « Certains se demandent s’ils ne feraient pas mieux de rentrer chez eux, malgré les risques » , révèle Karina.

Au-delà de la crise économique, huit ans de politique néoconservatrice sont passés par là. « On criminalise le comportement des gens, notamment des enfants » , s’alarme Cynthia : « Dans l’Ohio, tout citoyen d’au moins 10 ans peut être envoyé en prison. Et 50 % des mineurs jugés dans cet État finissent par écoper d’une peine théoriquement réservée aux adultes. » Résultat, les prisons absorbent les crédits, aux dépens de l’éducation et des politiques sociales. Sans surprise, chacun compte sur Barack Obama, un ancien des 500 000 travailleurs sociaux que comptent les États-Unis, pour renverser la tendance. « Avoir quelqu’un à la tête du pays qui comprend notre travail, qui connaît l’importance du terrain, c’est primordial » , lance Karina. Pour Barbara, l’ancien « community organizer » de l’Illinois « n’aura pas peur de faire les réformes nécessaires » . Cela suffira-t-il ?

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