Plan bidon

Christine Tréguier  • 30 octobre 2008 abonné·es

Occupé à conquérir les hauts sommets européens, Nicolas Sarkozy a refilé la présentation du Plan numérique 2012 à son secrétaire d’État au Développement de l’économie numérique, Éric Besson. L’homme qui disait en avril « ne pas vouloir castrer Internet » s’est excusé avant de dévoiler un Plan long de 154 mesures. Il ne contient pour l’essentiel que des promesses recyclées et quelques mesures financièrement irréalistes ou déplacées.
Déploiement accéléré de la fibre optique ? Ça fait dix ans qu’on nous en parle, et on avance à la vitesse d’une tortue. Idem pour le droit à l’accès à Internet haut débit, dont la seule nouveauté est d’être « opposable ». En clair, d’ici à 2012, tout Français ne pouvant obtenir un accès haut débit universel (supérieur à 512 Kbits) pour moins de 35 euros par mois pourra se retourner contre… Contre qui d’ailleurs ? La belle affaire ! Aujourd’hui, le vrai problème, ce sont les « zones grises », ces communes, hameaux et bouts de village trop éloignés des répartiteurs. Pour Jean-Paul Huchon, président de la région Île-de-France, le plan manque d’envergure et de volonté : « Où sont les moyens ? […] Comment l’État compense-t-il les mécanismes de marché qui poussent les opérateurs à ne connecter que les zones les plus rentables ? » Ne serait-on, faute de financement, en train de nous vendre comme nouveau ce qui est « déjà en voie de réalisation grâce aux crédits engagés par les élus locaux » ?

On retrouve le sempiternel « équipement de toutes les écoles » , des « ambassadeurs du numérique » pour convaincre les plus rétifs d’aller consommer sur Internet, ou via leur portable, et un projet de carte d’identité numérique pour « renforcer massivement la confiance dans les transactions électroniques ». Décryptez la novlangue, ça donne : un moyen d’identifier chaque transaction. Que le ministère de l’Intérieur, qui participe au développement, ne tardera pas à vouloir utiliser pour faire la chasse aux fraudeurs et autres « pirates ». Outre son coût, la gestion de l’identité numérique et des données personnelles qui vont avec est un vaste chantier sur lequel la Cnil et ses homologues européens s’interrogent. La chose paraît donc très incertaine et pour le moins prématurée.
Comment l’État va-t-il financer ce plan ? Avec l’attribution de la 4e licence de téléphonie mobile – une arlésienne – et la cession des fréquences libérées par le passage à la TNT (fin 2011), qui devrait rapporter entre 1,5 et 2 milliards d’euros ? Dérisoire, au vu des dix milliards d’euros sur dix ans annoncés pour le seul déploiement de la fibre optique.

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