Sans-abri et mal-logés : « Un signe de pénalisation des actions »

**Six sans-abri**
sont morts depuis le 22 novembre. Le 26, Martin Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités actives, s’est fait siffler par des sans-abri et des travailleurs sociaux. Deux jours avant, le **Dal** et les **Enfants de Don Quichotte** avaient été condamnés par le Tribunal de Paris pour avoir « encombré la voie publique » avec des tentes. Jean-Baptiste Legrand, président des Enfants de Don Quichotte, réagit à ces évènements pour Politis.fr. Et dans son prochain n° du 4 décembre, Politis reviendra sur la lourde condamnation du Dal.

Ingrid Merckx  et  Politis.fr  • 28 novembre 2008 abonné·es
Sans-abri et mal-logés : « Un signe de pénalisation des actions »

Le Tribunal de Paris a condamnés les Enfants de Don Quichotte le 24 novembre pour avoir installé des tentes le 15 décembre 2007 sur le parvis de Notre-Dame. Le même jour, le Dal (Droit au logement) a été condamné pour avoir installé un campement de mal-logés du 3 octobre au 15 décembre 2007 rue de la Banque à Paris. Comment s’est déroulée l’annonce des délibérés ?

Jean-Baptiste Legrand : Nous sommes passés en jugement le 10 novembre et le Dal le 3 novembre. Les deux délibérés ont été rendus le 24 novembre par la même juge qui a déclaré qu’elle allait donné son verdict sur « deux affaires qui se ressemblent a priori mais qui en fait ne se ressemblent pas du tout » . Elle n’a pas expliqué en quoi. On devrait en savoir plus à la réception du jugement.

Illustration - Sans-abri et mal-logés : « Un signe de pénalisation des actions »

Jean-Baptiste Legrand / Michel Soudais

Le Dal a écopé de 12 000 euros d’amende et les Enfants de Don Quichotte se sont vus confisquer 200 tentes. Comment comprenez-vous ce décalage entre les deux peines ?

Le Dal a écopé de 4 X 3000 euros d’amende : quatre infractions ont été constatées à quatre dates différentes. Pour notre infraction constatée le 15 décembre, nous n’avons été condamnés qu’à la confiscation des tentes. 298 tentes, d’ailleurs, et non 200 comme annoncé, qui avaient été confisquées le jour des faits. Je pense que la différence entre les deux jugements s’explique par le fait que nous avons été évacués le 15 décembre et que ne sommes pas revenus, alors que le Dal est resté sur le trottoir de la rue de la Banque .

Le Dal a annoncé qu’il allait faire appel. Le soutiendrez-vous ?

Évidemment ! On est solidaire de ce qui leur arrive ! On a été accusé des mêmes faits : « dépôt ou abandon d’objets embarrassant la voie publique sans nécessité ». Pourtant, le Dal prend beaucoup plus cher. Il y a deux poids deux mesures ! On se demande si on ne va pas faire appel de notre côté. Cette histoire me fait l’effet d’avoir été jugé pour un excès de vitesse alors que j’emmenais ma fille aux urgences. Mais ce qui est ennuyeux, c’est que ces jugements créent des précédents. C’est un signe de pénalisation d’actions comme celles que l’on mène, ou que mène le Dal. C’est aussi une manière de détourner l’attention, au lieu de s’attaquer aux vrais problèmes.

Depuis le 22 novembre, on déplore cinq décès de sans-abri dans le bois de Vincennes. Que pensez-vous des réactions du ministre du logement et de la Mairie ?

C’est tous les ans pareils. On passe des mois à prêcher dans le désert, et puis tout d’un coup, il fait un peu plus froid, il y a cinq morts, et là, les pouvoirs publics s’agitent et déclenchent des maraudes dans le bois de Vincennes. Mais il y a eu des dizaines de morts tout l’été et tout l’automne ! Aujourd’hui on ouvre des gymnases, mais ce ne sont pas des places d’hébergement ! Que va-t-on faire dans un mois ? Remettre les gens dehors ? Et aujourd’hui ? les forcer à aller dans les gymnases ? C’est ridicule.

Le député (UMP) Etienne Pinte a remis début septembre au Premier ministre, François Fillon, un rapport entier sur les mesures à prendre d’urgence en direction des sans-abri. Où en est ce rapport ?

Aucune idée. Il est pris comme un rapport supplémentaire. Ce n’est, après tout, que le septième en trois ans…

Le « Bus Dalo » (Droit sur le logement opposable), qui sillonne la France à l’initiative du Secours Catholique et de la fondation Abbé Pierre, et dont vous êtes partenaires, arrive le 30 novembre à Paris. Comment s’est déroulée cette opération ?

Augustin (Legrand) s’est déplacé en province avec le bus. Il y a eu de très belles actions menées à Marseille, Lille, Toulouse… On sent que des citoyens viennent, se sentent interpellés par ce que vivent leurs voisins ou des personnes qu’ils connaissent et qui sont mal logés. Cette opération de communication autour d’une loi, c’est pourtant l’État qui devrait s’en charger. Nous n’avons pas l’intention d’être une nouvelle association comme Emmaüs et le Secours Catholique. Nous voulons rester dans l’interpellation politique. Christine Boutin continue à déclarer qu’il n’y a pas de problème d’hébergement. On est bien obligé de reconnaître que nous ne sommes pas entendus.

Votre film, Enfant de Don Quichotte, sorti le 22 octobre, ne rencontre pas le succès escompté. Comment comprenez-vous cela ? Vous espériez en retirer de quoi financer un poste à l’association. Comment comptez-vous faire ?

Nous ne sommes pas déçus parce que ce film reste un superbe outil de mobilisation : on a fait de nombreux débats en banlieue et en province. Comme des petits meetings… Il y a peut-être 10000 personnes qui ont vu le film, et 95 % semblent convaincus. Sur ce total, il y avait une moitié de « déjà convaincus », mais pas l’autre, ce n’est pas mal ! Reste la déception financière. Mais on va trouver d’autres moyens.

Temps de lecture : 5 minutes