Quitter l’Afghanistan

Peut-on maîtriser par la puissance du feu un pays auquel
on ne comprend rien ? Non, répond Jean-Dominique Merchet
dans un essai efficace et lucide.

Denis Sieffert  • 18 décembre 2008 abonné·es

On ne va tout de même pas abandonner l’Afghanistan à ses démons, à ses talibans, à ses tribus, à ses chefs de guerre ? Sous toutes ses formes, depuis sept ans, la question est déclinée comme une rhétorique de l’évidence par les chefs d’État occidentaux. Tous inscrits dans le sillage de George W. Bush, lui-même lancé à la poursuite de Ben Laden au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.
Le grand mérite de Jean-Dominique Merchet est de reformuler la question sous une forme qui induit naturellement une autre réponse : ne faut-il pas abandonner l’Afghanistan aux Afghans ? Avant de suggérer fortement à la France qu’elle rapatrie ses soldats, le journaliste de Libération se livre à une description minutieuse de ce pays, de sa géographie, de sa diversité ethnique. Cette « anti-nation » , selon l’expression du géographe Xavier de Planhol, est « le puzzle le plus extraordinaire qui soit » . Le même concluait de toutes ses études que l’Afghanistan avait besoin d’être « peu gouverné » pendant « au moins deux générations » . Et Merchet traduit : « Dit brutalement : que l’on fiche la paix à ce pays et à ses habitants. » Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que de la colonisation britannique aux troupes de l’Otan en passant par la désastreuse aventure soviétique, l’Afghanistan attire les convoitises.

Avec toujours le même constat : l’incapacité à maîtriser ce pays. Le destin des envahisseurs est de se perdre dans des jeux d’alliances avec les différentes tribus avant de découvrir qu’ils sont les dupes de ce jeu trop compliqué pour une tradition politique façonnée par le centralisme et une longue histoire nationale. Le propos de Merchet, solidement argumenté, a le mérite de la clarté : « Il faut trouver la porte de sortie. Et vite. » On ne saurait mieux dire.

Idées
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« Rendre sa dignité à chaque invisible »
Entretien 11 septembre 2025 abonné·es

« Rendre sa dignité à chaque invisible »

Deux démarches similaires : retracer le parcours d’un aïeul broyé par l’histoire au XXe siècle, en se plongeant dans les archives. Sabrina Abda voulait savoir comment son grand-père et ses deux oncles sont morts à Guelma en 1945 ; Charles Duquesnoy entendait restituer le terrible périple de son arrière-grand-père, juif polonais naturalisé français, déporté à Auschwitz, qui a survécu. Entretien croisé.
Par Olivier Doubre
La révolution sera culturelle ou ne sera pas
Idées 10 septembre 2025 abonné·es

La révolution sera culturelle ou ne sera pas

Dans un essai dessiné, Blanche Sabbah analyse la progression des idées réactionnaires dans les médias. Loin de souscrire à la thèse de la fatalité, l’autrice invite la gauche à réinvestir le champ des idées.
Par Salomé Dionisi
Fabien Roussel : « Le temps est venu de la cohabitation »
Entretien 9 septembre 2025 abonné·es

Fabien Roussel : « Le temps est venu de la cohabitation »

François Bayrou vient de tomber. Fabien Roussel, le leader du Parti communiste français, lui, prépare déjà la suite, appelant Emmanuel Macron à nommer un premier ministre de gauche. Il rêve d’imposer un gouvernement de cohabitation pour changer drastiquement de politique.
Par Lucas Sarafian et Pierre Jequier-Zalc
L’IA, une nouvelle arme au service du capital
Travail 4 septembre 2025 abonné·es

L’IA, une nouvelle arme au service du capital

L’intégration de l’intelligence artificielle au monde du travail suscite nombre de prédictions apocalyptiques. Et si elle n’était qu’une forme renouvelée du taylorisme, désormais augmenté par le numérique ?
Par François Rulier