Sarkozy, VRP d’Areva

Le président de la République se vante d’avoir vendu plusieurs réacteurs EPR à l’étranger. Voire…

Patrick Piro  • 5 mars 2009 abonné·es

Si l’on en croit Nicolas Sarkozy, c’est dans le sac : l’Italie va construire quatre réacteurs nucléaires EPR, après l’accord signé la semaine dernière entre les électriciens EDF et Enel. Dès son retour au gouvernement, Silvio Berlusconi avait confirmé une relance du nucléaire en Italie après un moratoire de plus de vingt ans. Cette annonce du président français confirme son rôle de principal VRP d’Areva, le premier constructeur de réacteurs au monde, promoteur de l’EPR, qui se débat dans les difficultés financières. Début février, la France « vendait » ainsi deux EPR à l’Inde. Des collaborations ont aussi été annoncées pour l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, l’Estonie, la Jordanie, la Libye, le Maroc…

Mais sur près de 250 réacteurs « en projet » dans le monde, à peine une quarantaine sont effectivement en cours de construction. Et, à ce jour, deux EPR seulement sont en chantier. Le premier, en Finlande, cumule les déconvenues : trois ans de retard pour sa mise en service (pas avant 2012) et un budget explosé, qui pourrait passer de 3 à 5,4 milliards d’euros. Le deuxième, à Flamanville (Normandie), connaît aussi des difficultés. Trois projets sont bien engagés : le deuxième EPR français décidé par Sarkozy il y a un mois pour Penly (Seine-maritime), et deux autres en Chine (Taishan 1 et 2), « mais on n’en est qu’aux terrassements, le gouvernement ­central n’aurait toujours pas donné son accord définitif, signale Stéphane Lhomme, porte-parole du réseau Sortir du nucléaire. La plupart des annonces françaises à ce jour ne sont en fait que des mémorandums d’entente ou des accords de coopération ».

Même en Italie, l’engagement n’est pas définitif. « Le gouvernement donne seulement des orientations, c’est le marché qui décidera, il y a aussi les technologies étasuniennes et japonaises », précise le ministre du Développement économique italien.
Les investissements nucléaires sont en effet très lourds, et leur rentabilité ne se dessine qu’au bout de deux ou trois décennies si tout va bien. Avec la crise économique, de nombreux projets sont plombés. L’Afrique du Sud vient ainsi de renoncer à ses douze réacteurs.

La lutte contre le CO2 (peu émis par l’atome) et pour l’indépendance énergétique, arguments ressassés par Areva et les autres, trouve également d’autres réponses que le nucléaire : aux États-Unis, alors que George Bush avait décrété la relance de la filière, dont les opérateurs espéraient 50 milliards de dollars d’aide pour débloquer plusieurs projets de réacteurs, les fonds iront… aux énergies renouvelables.
Surfant sur le mythe d’un succès commercial, Nicolas Sarkozy veut désormais un troisième EPR pour la France, un marché qui reste le plus sûr débouché d’Areva.

Écologie
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