Pas de respect pour le droit des étrangers

Six associations pourront désormais intervenir dans les centres de rétention. Parmi elles, le Collectif respect, proche de l’UMP. Un choix pervers du ministère de l’Immigration.

Jean-Claude Renard  • 23 avril 2009 abonné·es
Pas de respect pour le droit des étrangers

Depuis une vingtaine d’années, la Cimade était la seule association habilitée à intervenir dans les centres de rétention administrative (CRA), où sont enfermés les étrangers en situation irrégulière. Chaque année, ce sont près de 35 000 personnes qui transitent dans ces locaux, pour une durée oscillant entre un et trente-deux jours. Dans la défense des droits des étrangers, la Cimade a valeur de contre-pouvoir. À la suite d’un appel d’offres lancé par le ministère de l’Immigration, visant à réformer la présence associative dans les centres, sous prétexte de pluralisme, elle ne sera plus la seule à pénétrer dans les CRA. Distribuées en huit lots sur l’ensemble du territoire français, les missions seront partagées, à compter du mois de juin, avec cinq autres associations. Forum réfugiés, France Terre d’asile, l’Ordre de Malte, l’Association service social familial aux migrants (Assfam) et le Collectif respect.

Les quatre premières associations sont toutes connues du secteur en termes de droits des étrangers. La dernière, le Collectif respect, apparaît comme une incongruité. Il s’agit d’un collectif né après le fameux match France-Algérie, en 2001, précédé par une « Marseillaise » sifflée. Il doit son nom à sa volonté de « promouvoir le respect dû à l’autorité légitime », c’est-à-dire les institutions et le président de la République. Jusqu’en 2008, il a été dirigé par Frédéric Bard (UMP), ancien chargé de mission au sein du ministère de l’Immigration. Le collectif, coordonné aujourd’hui par Maryse Leschene (proche de l’UMP), avait modifié ses statuts afin de postuler, le jour même de la parution de l’appel d’offres, le 28 août 2008.

Totalement méconnu sur le terrain, le collectif (que le Journal du dimanche qualifiait de « faux nez de l’UMP » le 25 octobre dernier) a sans problème été retenu par le ministère. Suivant la répartition des lots, il interviendra en Guyane, à la Réunion et en Guadeloupe. C’est-à-dire là où le droit des étrangers est le plus difficile à maîtriser et le moins protecteur. Avec quelle légitimité ? Quelle compétence ? Pour le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), « on peut craindre que, dans les faits, il ne serve que de paravent à la politique d’objectifs chiffrés développée de façon industrielle outre-mer, en assurant une simple assistance à l’éloignement des étrangers plutôt qu’une défense de leurs droits » . Et de rappeler que le nombre d’étrangers éloignés d’outre-mer s’est élevé, en 2007, depuis les seuls départements de Guyane et de Guadeloupe, à 10 857 contre 23 821 en métropole, selon le rapport du comité interministériel de contrôle de l’immigration de décembre 2008.

À l’évidence, en dépit de son inexpérience manifeste, le Collectif respect va devoir traiter à lui seul plus de cas d’expulsions que les cinq autres associations en France métropolitaine. « Nul ne peut croire sérieusement, poursuit le Gisti, que le Collectif respect est la personne morale la mieux à même d’assurer le respect des droits des migrants menacés d’éloignement. »

À vrai dire, le choix du Collectif respect est à lire comme la caricature de la logique politique mise en œuvre. Une logique vicieuse qui cherche à diviser les associations et à affaiblir leurs travaux. Avec une réduction de la nature de la mission. Cette mission, observe Damien Nantes, à la Cimade, « qui passe d’une aide à l’exercice des droits à une simple mission d’information. Et l’éclatement de la mission en huit lots géographiques ne permettra plus de garantir la qualité de l’aide juridique apportée aux étrangers ».
Les différences sont subtiles. Elles sont aussi de taille. La Cimade n’a pas l’intention d’en rester là et, avec d’autres associations (la LDH et le Gisti notamment), elle a engagé un recours au Conseil d’État pour obtenir l’annulation de cet appel d’offres. Dans le même but, elle a également déposé un référé précontractuel devant le tribunal administratif de Paris qui bloquerait la signature des contrats pour les associations choisies par le ministère et obligerait Éric Besson à revenir en arrière.

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