De quels droits ?/Internet, fenêtre sur l’Iran

Christine Tréguier  • 25 juin 2009 abonné·es

Lorsque les journaux télévisés abordent la situation en Iran, on voit apparaître à l’écran la tête qui parle, l’envoyé spécial qui confirme que, oui, les Iraniens sont toujours dans la rue ; oui, la contestation continue et les milices bassidj sont toujours à l’œuvre. Côté images, ce sont quelques brèves séquences de foules prenant possession des artères de la capitale. Images rares, tournant plus ou moins en boucle, car le gouvernement d’Ahmadinejad a pris la précaution de neutraliser les médias étrangers. L’information en provenance de la rue iranienne emprunte désormais un autre canal, celui d’Internet.

À différentes reprises déjà, on a pu constater quelle formidable caisse de résonance constitue le réseau. Après le tsunami de 2004, quand vidéos et appels aux dons avaient fait le tour de la planète en quelques jours. Ou lors du référendum européen, lorsque les partisans du « non » avaient massivement usé du Net pour faire campagne. Aujourd’hui, c’est l’appel à la « révolution verte » qui se répand par son intermédiaire. Le gouvernement iranien ne ménage pourtant pas ses efforts pour ralentir et empêcher l’accès aux sites d’informations étrangers et aux réseaux sociaux (YouTube, Facebook, etc.). Sans parvenir, pour le moment, à empêcher les témoignages de se frayer un chemin jusqu’à nous. Une explication à cela : l’Iran est un pays moderne, qui compte quelque vingt millions d’internautes et plusieurs dizaines de millions d’abonnés à la téléphonie mobile. Durant les manifestations, portables en main, les Iraniens mitraillent. Photos et vidéos atterrissent sur YouTube, Liveleak ou Flick’r, postées via des proxies (serveurs intermédiaires) permettant aux émetteurs de préserver leur anonymat.

Mais c’est Twitter qui défraie la chronique depuis une semaine en relayant la parole des manifestants. Ce réseau de microblogging est difficilement filtrable, les messages, photos et vidéos pouvant être envoyés via le web, par mail ou directement par SMS. Son autre particularité : les messages textes sont limités à 150 caractères. Autant dire que l’information qui transite est réduite. Elle reste cependant vitale, et les autorités américaines sont d’ailleurs discrètement intervenues auprès du site pour qu’il repousse à la nuit une opération de maintenance. La semaine dernière, c’est via Twitter qu’est passé le mot d’ordre de maintien de la manifestation de mercredi. Les messages télégraphiques véhiculent également de nombreux conseils et appels à la prudence : préserver l’anonymat des internautes iraniens qui s’y expriment, changer de fuseau horaire avant de poster (pour les étrangers), ne pas utiliser les proxies dont l’adresse a été diffusée sur Twitter sous peine d’être repéré. Un site anglais a compilé ces consignes dans un Guide de la guerre du Net (Cyberwar) pour débutants, mis en ligne sur YouTube. Vendredi, après le discours de Khamenei confirmant le vote, on pouvait lire sur la page d’un internaute iranien : « Maintenant c’est le crépuscule – nous devons partir – endroit pas sûr. » Puis, quelques heures plus tard, un nouveau message : « Confirmé – Samedi Rassemblement Vert, Mousavi, Karoubi and Khatami seront présents. »

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