Un vote mutant

Erwan Lecœur  • 11 juin 2009 abonné·es

La liste Europe Écologie est la surprise de ce scrutin, à moins d’un point d’un PS en baisse, et loin devant le MoDem, qui passait pour le « troisième homme » (Bayrou). Aucun institut de sondage n’avait prévu un tel raz-de-marée, jusqu’à trois jours du vote.
Les études montraient une mobilité inédite et forte de l’électorat de gauche, passant du NPA au PS, jusqu’au MoDem et s’arrêtant souvent sur Europe écologie. Fin mai, les médias et les états-majors ont pris conscience que quelque chose d’inhabituel était en train de se produire. La liste menée par Daniel Cohn-Bendit remplissait les salles, engrangeait les soutiens et battait des records de « second choix » chez les ex-électeurs de Royal, Bayrou et Besancenot.

Dans les sondages, la tendance se dessinait : montée des écolos et baisse du MoDem. Puis les courbes se sont croisées début juin (autour de 11 %, ou 12 %) ; un sondage BVA puis un Sofres donnaient la liste écologiste devant. D’où la colère de François Bayrou, le 4 juin, sur France 2, criant au « coup sondagier ». La suite prouvera qu’il n’en était rien. Ce n’est que dans les derniers jours que les instituts ont accepté ce qu’ils voyaient en chiffres bruts.
L’Europe et l’écologie ont su séduire. Le vote écologiste de cette élection a changé de niveau et de nature. Le casting a intéressé de nouvelles catégories d’électeurs à cette offre rendue crédible, qui s’est nourrie de plusieurs éléments particuliers à cette campagne : ligne européenne, crédibilité sur les enjeux, activisme Web (réseaux, vidéos) et ton décalé…

Aux habituels quadras des villes sont venus s’ajouter des jeunes, des quinquas et sexagénaires, ainsi qu’une partie des soutiens traditionnels du PS (profs, jeunes retraités, cathos de gauche…). Volatiles, ces électeurs d’un jour représentent une nouveauté sociologique : face aux « gardiens » (de l’ordre, des acquis) apparaissent ces « mutants », dépassant les clivages anciens : cadres à haut niveau d’études, urbains, novateurs, pro-européens et très sensibles aux thèmes environnementaux… Ceux que la vulgate médiatique résume trop souvent aux « bobos », bien qu’ils soient rarement de vrais « bourgeois »… Par contre, ces « nouveaux écolos » sont bien des « bohèmes », dans les urnes, qui ont trouvé une offre à leur goût. Au total, ils pèseraient plus d’un tiers des votants et seront de plus en plus nombreux.

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