De quels droits ?/Les municipaux privés de Taser

Christine Tréguier  • 17 septembre 2009 abonné·es

Le Conseil d’État vient d’annuler le décret du 22 septembre 2008 autorisant les policiers municipaux à s’équiper de pistolets à impulsions électriques Taser X26. Motif : « Les particularités de cette arme d’un type nouveau imposent que son usage, qui comporte des dangers spécifiques, soit précisément encadré et contrôlé. » Rappelons qu’Amnesty International a fait état d’au moins 290 cas de personnes dont la mort est liée aux décharges du Taser depuis 2001. Sans aller jusqu’à interdire l’usage du Taser, le Conseil a constaté que ni le décret ni aucun autre texte réglementaire ne prescrivaient « la délivrance d’une formation spécifique à l’usage de cette arme préalablement à l’autorisation donnée aux agents de police municipale de la porter, ni l’organisation d’une procédure destinée à assurer le recueil d’informations sur l’usage des pistolets à impulsion électrique par les agents de police municipale puis l’évaluation et le contrôle des données ainsi recueillies ».

L’association Réseau d’alerte et d’intervention pour les droits de l’homme (Raidh), qui avait saisi le Conseil d’État, se félicite de la nouvelle, tout en regrettant que l’autre décret attaqué, autorisant l’équipement de la police nationale, n’ait pas subi le même sort. Elle est d’autant plus satisfaite que le Conseil a écrit noir sur blanc que le Taser présentait des dangers sérieux pour la santé et « que ces dangers sont susceptibles, dans certaines conditions, de provoquer directement ou indirectement la mort des personnes visées ». Une létalité que Raidh et Amnesty International ne cessent de dénoncer.

Les onze villes qui avaient déjà équipé leur police municipale vont-elles devoir remiser leurs Tasers ? Pas si sûr. Quatre heures à peine après la publication de la décision, le ministère de l’Intérieur a fait savoir qu’il préparait un nouveau décret. « Une telle rapidité de réflexion, quand on sait les dangers de ces armes, et qu’on voit les récentes affaires des tirs de Flash-Ball, ça inquiète » , ironise Fabrice Ferrier, le président de Raidh. Mais il n’est pas certain qu’un décret suffise à régler le problème. « Ils pourraient être obligés de légiférer, car les polices municipales sont gérées par les maires, et les procédures d’encadrement et de formation ne sont pas uniformes. »

Pour Raidh, le dossier n’est pas clos. Face à des gouvernements qui évitent le débat sur les violences policières, il est urgent de poser la question de fond : « Est-ce que, oui ou non, recevoir une décharge de 50 000 volts, c’est de la torture ? » En novembre 2007, le Comité contre la torture des Nations unies avait répondu positivement, estimant que « cette arme provoque une douleur aiguë, constituant une forme de torture, et que dans certains cas elle peut même causer la mort » . Raidh va donc demander à la Cour européenne des droits de l’homme de se prononcer sur cette question. « Si la CEDH nous suit et rend un avis provisoire en ce sens, une jurisprudence récente pourrait même obliger l’Administration à s’y conformer » , précise Fabrice Ferrier, optimiste.

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