L’épine MoDem

L’alliance avec le MoDem n’est plus un débat au sein du PS, où la seule divergence porte sur le rythme où elle se fera. Mais elle divise la gauche.

Michel Soudais  • 10 décembre 2009 abonné·es

Le Mouvement démocrate (MoDem) divise la gauche. Ségolène Royal, en proposant samedi d’offrir cinq sièges sur sa liste aux partisans de François Bayrou, dès le premier tour des élections régionales, l’a rappelé avec éclat. Ni le refus poli du député du Béarn, surpris par cette offre inattendue lancée au beau milieu du congrès qu’il tenait avec ses troupes à Arras, ni le timide rappel de la position officielle du PS par ses porte-parole autorisés ne constituent des démentis sérieux. Si le « monde de Ségolène Royal » est « parfois un peu surprenant » , comme ironise Claude Bartolone, secrétaire national aux relations extérieures du PS, l’ex-candidate à la présidentielle n’est pas pour autant dans un autre monde que celui des socialistes.
François Hollande exprime sans doute mieux que d’autres l’exacte nature du désaccord entre la présidente de ­Poitou-Charentes et la rue de Solferino. Interrogé dimanche sur la proposition d’alliance de premier tour de son ex-compagne, l’ancien patron du PS a estimé que ce n’était « pas la bonne méthode ». Laquelle consiste, selon lui, à « affirmer son identité, rassembler la gauche, nos partenaires » et « ensuite élargir à tous ceux qui veulent nous rejoindre » . La divergence n’est donc qu’une question de tempo, une affaire de tactique.

Moins de dix jours après que Martine Aubry a publiquement appelé le PS et le MoDem à « travailler ensemble » ( Politis n° 1079), se ralliant ainsi à la position défendue par Ségolène Royal au congrès de Reims, et contre laquelle elle avait pourtant été élue à la tête du PS, il serait tentant de ne voir dans l’avance aux centristes par Mme Royal qu’une simple surenchère. « J’ouvre un chemin irréversible » , expliquait-elle lundi pour justifier son offre.

De fait, comme en 2007 quand elle avait proposé dans l’entre-deux tours de la présidentielle de nommer François Bayrou à Matignon, Ségolène Royal continue à pousser les feux d’un recentrage du PS. Et est sans doute moins isolée que ne veut le faire croire Solferino. Au moins trois présidents de région, Jean-Paul Huchon en Île-de-France, François Patriat en Bourgogne et Jean-Jack Queyranne en Rhône-Alpes, ont exploré la possibilité d’un accord avec le MoDem dès le premier tour. Ils en ont été dissuadés par la direction du PS et se sont surtout heurtés au refus de François Bayrou, qui tient à présenter des listes autonomes.

Le 22 octobre, deux jours après l’adoption par le bureau national du PS de sa stratégie pour les régionales, Vincent Peillon, interrogé par le Parisien, ne voyait pas de raison de refuser le MoDem au premier tour : « Du moment que cela se fait sur un projet d’action régional clair, pourquoi fixer des interdits ? Au niveau ­régional comme au niveau national, il faut des contrats de gouvernement passés devant les électeurs. » Comme ce quotidien en déduisait que « l’ambiance [était] tendue au sommet du PS » , Jean-Christophe Cambadélis, l’un des principaux adjoints de Martine Aubry, indiquait dans un communiqué de presse ne pas voir « dans l’interview de Vincent Peillon ce qu’il y a de contradictoire à la résolution du bureau national »  (sic).

Quelles que soient les divergences tactiques de Ségolène Royal et de Martine Aubry, montées en épingle par les médias, l’alliance avec le MoDem divise moins le PS qu’elle ne creuse un fossé entre ce dernier et la gauche de gauche. Le Front de gauche refuse toute idée d’entente et a déjà fait savoir qu’il refusera toute fusion de liste qui inclurait le mouvement de François Bayrou. Parce que « le MoDem, ce n’est pas les radicaux de gauche de 1981, ce n’est pas le Parti radical qui glisse vers la gauche, mais la gauche qui glisse vers la droite » , résume Éric Coquerel, du Parti de gauche.
Le résultat du congrès du MoDem ne dément pas cette analyse. À Marseille, Marielle de Sarnez avait tendu la main à la gauche. À La Grande-Motte, début septembre, François Bayrou avait lancé une offre publique de dialogue à l’opposition. Mais à Arras, si le MoDem a vaguement gauchi son programme, son président a prôné l’avènement d’un « arc central » qui, a-t-il expliqué, irait « de la gauche républicaine à un certain nombre d’hommes et de femmes de la droite sociale en passant par le centre et les écologistes ». Dans un entretien au Figaro (4 décembre), il citait les noms d’Alain Juppé et Dominique de Villepin comme les représentants de cette droite… « sociale ».

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