Terrain glissant

À travers différents témoignages, Michel Royer rend compte de l’homophobie prégnante dans le sport. Remarquable.

Jean-Claude Renard  • 24 décembre 2009 abonné·es

Faut reconnaître : il n’y a guère d’homosexuels connus ou reconnus dans le football. Depuis les tribunes, c’est pourtant pas les expressions qui manquent, entre « enculés » et « pédés » . En octobre dernier, le refus du club de banlieue parisienne le Créteil Bebel de jouer un match de foot contre le Paris Foot Gay, en mettant en avant ses convictions religieuses, a été l’occasion de souligner les discriminations actives sur le terrain. À peine quelques semaines plus tard, les insultes homophobes proférées par le président du club de Montpellier à l’encontre d’un joueur d’Auxerre ont aussi démontré le quotidien, voire la banalité, de ces discriminations. Si elles soulèvent rarement l’indignation, elles n’en restent pas moins fréquentes, ordinaires, avec cette idée selon laquelle les homos ne font pas de sport ou doivent en être exclus.

Ce documentaire de Michel Royer ( Dans la peau de Jacques Chirac , en 2006), conçu avant et durant ces deux faits divers de l’automne, propose justement un regard sur le rapport entre le sport et l’homosexualité. Dans l’imaginaire collectif, deux termes qui ne font pas bon ménage. Affaire de tabou, de non-dit, d’autocensure, de silence des autorités. Et d’homophobie décomplexée.
Puisant beaucoup dans le football, Michel Royer conjugue ici plusieurs témoignages qui sont autant d’anecdotes, de perceptions, d’analyses. De Vikash Dhorasoo, footballeur, à Dominique Bodin, sociologue. « On n’est pas des pédés ! » , qu’on entend dans les vestiaires du rugby ou du foot. Ce qui associe curieusement la sexualité et la discipline. « C’est tout simplement le poids de la société, observe Lilian Thuram. On finit par faire croire aux gens qu’ils ont un problème, qu’ils sont anormaux. » De quoi nourrir des interdits. Joueur de foot international dans les années 1970-1980, Olivier Rouyer a fait son coming-out en 2008. Tardivement. Parce que c’est « un milieu de machos, de bons pères de famille, qui n’est pas prêt à accepter cette idée ».
Poussant la réflexion du côté des clubs sportifs gays et lesbiens, le réalisateur brosse là un tableau animé par l’incompréhension, voire la haine. Il y a encore du terrain à couvrir.

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