Le Japon reprend du thon

Échec des écologistes à Doha : le thon rouge ne figurera pas sur la liste des espèces menacées.

Patrick Piro  • 25 mars 2010 abonné·es

Le thon rouge est au bord de la disparition en Méditerranée. Mais il attendra… Les propositions de Monaco et de l’Union européenne de le classer sur la fameuse Annexe I des espèces bannies du marché ont été sèchement déboutées lors de la conférence de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (Cites), qui s’achève le 25 mars à Doha (Qatar).
Beau travail de lobby, avec le Japon à la manœuvre : consommateur de 80 % des thons rouges pêchés sur la planète, il est passé maître dans l’art d’entraver la protection des espèces marines – comme les baleines, dont il poursuit la chasse depuis des années. Pour sauver une gastronomie de luxe, le Japon est parvenu à rallier de nombreux pays du Sud devenus ses obligés grâce à des accords de pêche ou à des subsides.

Mais l’Union européenne est aussi en cause. De l’avis de plusieurs observateurs, elle courait à l’échec : laborieusement négociée entre les 27, sa proposition comportait des réserves alambiquées. Et, surtout, arrêtée quelques jours avant la Cites, elle a été critiquée pour son égoïsme par des pays pauvres qui n’ont pas les moyens de compenser la perte de revenus qu’induirait l’interdiction de faire commerce du thon rouge. L’association écologiste Robin des bois relève ainsi que les chances de succès auraient été plus importantes avec une demande d’inscription sur l’Annexe II, qui prévoit un « contrôle » du commerce international, sachant que l’espèce n’est pas menacée partout dans le monde.

La voie de l’interdiction du commerce bouchée jusqu’à la prochaine convention de la Cites (dans trois ans), reste l’instance de gestion des espèces de thon, la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (Cicat), qui se réunit en novembre. C’est-à-dire un piteux retour à la case départ : depuis des années, la Cicat s’est montée incapable de faire respecter ses quotas de pêche, qu’elle a par ailleurs fixés à des niveaux très excessifs. C’est ce fiasco qui avait décidé les associations à pousser l’Union, déjà critiquée pour sa politique incohérente au sein de la Cicat, à recourir à la Cites…

Quoi qu’il en soit, cette dernière se montre de plus en plus impuissante face aux appétits du commerce. Ainsi, la mise en Annexe II des coraux, très menacés par endroits, a elle aussi été bloquée au nom des intérêts de pays exploitants qui ne veulent pas faire les frais de la protection de biodiversité. Il faut donc souvent attendre l’alerte rouge. Et quand bien même… Concernant le tigre, pourtant en Annexe I depuis trente-cinq ans, « nous avons lamentablement échoué » , avouait un délégué à Doha. On comptait encore 100 000 de ces félins en liberté en 1990, ils ne seraient plus que 3 200…

Écologie
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