Tempête : bétonnage mortel

L’urbanisation en zones inondables est largement responsable du nombre important de morts.

Patrick Piro  • 4 mars 2010 abonné·es
Tempête : bétonnage mortel
© Photo : AFP/PERRY

La tempête Xynthia laisse la France abasourdie. C’est en Vendée et en Charente-maritime que l’on déplore le plus de victimes, pour la plupart noyées par les flots qui ont franchi ou brisé des digues en pleine nuit. De nombreuses victimes ont été bloquées dans des maisons ne disposant pas d’un étage où l’on puisse se réfugier.
Difficile de n’incriminer que les « aléas naturels ». En effet, les prévisions météo étaient justes, et les départements les plus exposés avaient été mis en « alerte rouge » plusieurs heures avant la tempête. Pourtant, aucune évacuation préventive n’a été déclenchée par les préfectures. La conjonction exceptionnelle, mais parfaitement prévisible, de trois phénomènes a mal été prise en compte : des vents violents (jusqu’à 160 km/h), une très forte marée et un gonflement des eaux sous l’effet de la dépression atmosphérique. Béatrice Lagarde, sous-préfète des Sables-d’Olonne, se défendait : « On ne peut pas prévoir l’imprévisible » , déplorant la rupture des digues [^2].

La faute aux digues ? Sur la côte atlantique, certaines datent de Napoléon et manquaient d’entretien. Aussi le président de la République s’est-il empressé de réclamer un « plan digue ». Même optique pour Ségolène Royal, présidente de Poitou-Charentes, qui veut voir reconstruire des digues « suffisamment puissantes, solides et hautes » . Les spécialistes sont pourtant réticents : veut-on dresser, à budget faramineux, des centaines de kilomètres de digues sur les côtes sableuses ? Et comment tenir compte du dérèglement climatique conjugué à la hausse du niveau des mers ?

En France, le débat sur les digues cache souvent la cause principale de vulnérabilité : la construction abusive de logements en zones inondables. Entre 1999 et 2006, plus de 100 000 ont été bâtis dans 424 communes de plus de 10 000 habitants exposées au risque d’inondation [^3].). Dans ce panel, curieusement, aucun département atlantique. Ce qui traduit une confiance excessive dans la protection des digues, mais aussi la faiblesse des Plans de prévention du risque inondation (PPRI), qui fixent les règles d’urbanisation en zone inondable et dont devrait être dotée toute commune exposée. La Faute-sur-Mer, sinistrée par Xynthia, dispose bien d’un PPRI, mais il se contente d’instaurer une bande de 50 mètres non constructible depuis la digue !
Appelant à « durcir les règles de construction sur le littoral » , la secrétaire d’État à l’écologie, Chantal Jouanno, reconnaissait à demi-mot l’échec d’une politique de prévention facilement contournée par des enjeux locaux d’urbanisme : l’étude citée plus haut montre que le ­nombre de constructions croît plus vite en zone inondable qu’ailleurs.

[^2]: lemonde.fr, 1er mars 2010

[^3]: Étude SOeS, ministère de l’Écologie (février 2009

Écologie
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« La mer nous remet à notre place : un existant qui ne voit pas tout »
Entretien 14 novembre 2025 abonné·es

« La mer nous remet à notre place : un existant qui ne voit pas tout »

Philosophe et autrice de L’Être et la mer, Corine Pelluchon appelle à regarder l’humanité depuis l’océan, pour repenser sa place, appréhender sa vulnérabilité et ouvrir à un imaginaire de la solidarité.
Par Caroline Baude et Hugo Boursier
COP 30 :  « En tant qu’activistes, on est presque obligées de trouver des manières originales de militer »
Entretien 14 novembre 2025 abonné·es

COP 30 : « En tant qu’activistes, on est presque obligées de trouver des manières originales de militer »

Après plus d’un mois de navigation, cinq activistes pour le climat sont arrivées à la COP 30, à Belem, à bord d’un voilier. Objectif : faire converger les luttes climatiques, antiracistes et féministes. Entretien.
Par Kamélia Ouaïssa
À Belém, un projet d’égouts symbole du racisme environnemental
Reportage 10 novembre 2025 abonné·es

À Belém, un projet d’égouts symbole du racisme environnemental

En prévision de la COP 30, des travaux d’assainissement sont menés à la Doca, un quartier aisé de Belém, au détriment de Vila da Barca, bien plus défavorisé. La population, rompue à la résistance, dénonce du racisme environnemental.
Par Giovanni Simone et Anne Paq
Le paradoxe brésilien : du pétrole pour financer la transition
Reportage 10 novembre 2025 abonné·es

Le paradoxe brésilien : du pétrole pour financer la transition

Le gouvernement autorise de nouveaux forages au large de l’Amapá, l’une des régions les plus pauvres du pays. Un pari économique qui contraste avec l’urgence des enjeux climatiques et représente une menace directe pour la Guyane voisine.
Par Tristan Dereuddre