Une journée sans Sarkozy, chiche ?

Inspirés par l’exemple italien, quatre internautes organisent un « No Sarkozy Day » le 27 mars. Avec l’espoir de lancer un contre-pouvoir citoyen de masse.

Léa Barbat  • 18 mars 2010 abonné·es
Une journée sans Sarkozy, chiche ?
© PHOTO : AFP/LANGLOIS No Sarkozy Day : 06 99 88 18 69

Tout est parti d’un simple groupe sur le réseau social Facebook, intitulé « Un million de personnes contre Sarkozy ». Peu après l’avoir rejoint, Benjamin Ball, 25 ans, entend parler d’une manifestation en Italie : le No Berlusconi Day. Le 5 décembre dernier, près de 350 000 Italiens défilent dans les rues de Rome, vêtus de violet. Il n’en faut pas plus au jeune homme pour prendre le groupe Facebook en main et changer l’appellation de départ en un plus saignant « No Sarkozy Day ». Le 11 mars, le groupe comptait quasiment 380 000 abonnés, prêts à défiler contre la politique du chef de l’État, à la mode transalpine.

Parti de rien, le projet prend une ampleur inattendue mais manque encore de crédibilité. Avec trois autres administrateurs du groupe, Benjamin tente de sortir de la bulle Facebook et de conquérir la blogosphère. Il rédige un appel dans lequel il invite de « simples citoyens, vigilants et inquiets » à « résister au sarkozysme » et à « ce Président sans envergure ». La date du rassemblement est fixée au 27 mars 2010 : manifestations festives ou marches silencieuses se tiendront aux quatre coins de France. À Paris, c’est place de la République, à 14 heures, que le mouvement entamera une marche accompagnée par des chars musicaux. « On voulait débuter place de la Bastille, mais on s’est dit que ce serait trop petit », précise Benjamin. Optimiste, l’organisateur reste néanmoins prudent à l’évocation du nombre de participants attendus : « de cent mille à un million ».

Toute référence à un quelconque parti politique ou syndicat est proscrite. Chaque manifestant devra se fondre dans la masse violette : « On ne veut surtout pas être repris. Nous sommes “apartisans”, nous n’appartenons à aucun parti. Ce mouvement, ce n’est pas celui de X ou de Y, c’est celui du peuple » , explique Benjamin. Aux quatre initiateurs, s’ajoutent une trentaine d’organisateurs régionaux ou départementaux qui ont pour mission de rassembler les foules partout en France. Face aux critiques qui l’accusent de prendre Sarkozy comme bouc émissaire, Benjamin rétorque : « Nous n’avons évidemment rien contre l’homme, nous nous attaquons à sa politique. Il sert de symbole. »

Les quatre initiateurs du No Sarkozy Day ont fait connaissance sur Internet. Chômeur, cuisinier, salarié à La Défense ou dans le milieu associatif, ils sont abstentionnistes convaincus. Seul Benjamin est affilié à un parti, dont il préfère taire le nom, de peur que l’initiative y soit assimilée. Tous déplorent la politique du gouvernement. « Je n’ai plus le sentiment de vivre dans une République, mais dans une monarchie élective. Et, dans ce système, toutes les dérives sont possibles, juge le jeune homme. Tout comme Berlusconi, Nicolas Sarkozy applique une politique “racisante”. Il contrôle les médias, sans parler des relations trop proches entre l’argent et le pouvoir. Il faut récrire les règles du jeu. »
Le mouvement se lance sans revendications précises. Celle de départ, la démission du Président, a été abandonnée : elle rebutait de nombreux internautes attachés au respect des urnes et du mandat attribué par les Français à Nicolas Sarkozy. À titre personnel, Benjamin souhaiterait une dissolution de l’Assemblée, des élections anticipées, voire un référendum. « De Gaulle l’aurait fait » , sourit-il avant de poursuivre : « On ne peut pas partir avec des exigences avant la mobilisation, sinon on va diviser. Le risque serait que tout le monde tire la couverture à soi, en faisant de son problème une priorité. »

Le mouvement ne compte pas s’arrêter au No Sarkozy Day. Ses organisateurs visent un changement dans la durée, mais la forme des projets reste à déterminer. Ce sera aux manifestants de décider de la suite des événements, aujourd’hui une simple esquisse un peu brouillonne. Tout se jouera donc après le 27 mars. « On ne freinera pas les demandes des participants en décrétant que l’une ou l’autre n’est pas réalisable. Toutes les possibilités sont envisageables, s’enthousiasme Benjamin. Le fait que le peuple décide donnera une crédibilité sans précédent au mouvement. » Le nom officiel et un brin gentillet d’« Onde violette » donné au mouvement a déjà été déposé. Seule certitude : ce ne sera pas un parti politique. L’objectif officiel est de « faire parler et de créer des événements » . S’il doit y avoir un chef de ce collectif couleur prune, une sorte de secrétaire général, les initiateurs ne souhaitent pas en être. « Nous n’avons pas à être portés en tête car nous étions les premiers, ça ne nous donne pas plus de légitimité », estime Benjamin. L’Onde parviendra-t-elle à se répandre et surtout à se construire ? Il faudra d’abord réussir le pari de coordonner des idées venues d’horizons très divers, des communistes aux villepinistes en passant par les anarchistes. « Les gens vont s’étonner eux-mêmes, veut croire Benjamin Ball. Ça prendra le temps qu’il faudra, mais il y aura des suites au niveau national. Le 27 mars n’est pas une fin, c’est un début. »

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