« Un monde sans fous », de Philippe Borel

Sur fond de réforme gouvernementale, Philippe Borrel dresse un état
des lieux d’une psychiatrie privée de moyens.

Jean-Claude Renard  • 8 avril 2010 abonné·es
« Un monde sans fous », de Philippe Borel
© PHOTO : SAGET/AFP Un monde sans fous ?, mardi 13 avril, 20 h 35, France 5, (52’).

Des troubles comportementaux, des cas de psychotiques. Dépressions, suicides au travail, addictions, anxiété généralisée. Dans une affaire de santé mentale, le tout logé à la même enseigne, suivant le discours sécuritaire et les restrictions budgétaires. Encore faut-il qu’il y ait de l’espace. Depuis les années 1970, 50 000 lits d’hospitalisation ont été fermés en psychiatrie publique, sans que suffisamment de structures alternatives n’aient vu le jour. En voulant ouvrir l’hôpital sur la ville, « le courant humaniste rêvait de désaliéner la psychiatrie, observe un commentaire en voix off. Ce courant s’est piégé lui-même avec des hôpitaux publics en déshérence, qui ne gèrent plus qu’un flux tendu de patients en crise ». Aujourd’hui, la maladie mentale repose de plus en plus souvent sur l’associatif et les familles. Portraits et témoignages viennent illustrer le tableau brossé par Philippe Borrel. Un tableau d’exclus parmi les exclus, dans une société qui n’accepte pas l’aliénation, tout en la produisant.

Un tableau qui s’étire donc d’une pathologie à l’autre, heurtée aux mêmes dramatiques conclusions. Les SDF, dont un tiers souffrirait de pathologie mentale, sont un exemple significatif, quand la fermeture des lits dans les hôpitaux psychiatriques en a rejeté beaucoup sur le bitume. « On espère ne pas voir ce qui s’est passé aux États-Unis, à savoir la mort des psychotiques dans la rue, faute de place à l’hôpital, d’hébergement », dit un représentant du Samu social à Paris. Parce que la réforme des asiles s’est conclue par la destruction des asiles. Avec les risques encourus quand il est impossible d’évaluer l’état de santé des individus. Pour Serge Portelli, vice-président du tribunal de grande instance de Paris, « le parcours du fou est relativement bien “balisé”. C’est une sorte d’aller et retour entre la rue, le foyer, ce qui reste de l’hôpital psychiatrique et la prison ».

Dans ce système bien huilé, « on autorise donc une justice automatisée, de moins en moins humaine, renchérit Emmanuelle Perreux, présidente du Syndicat de la magistrature, qui en arrive à juger des gens, on le ­découvre en détention, qui présentent des maladies mentales qui auraient dû être prises en compte ». C’est alors déjà trop tard, mais significatif d’une société où le dernier lieu pour recevoir des soins est la prison. Autant de paroles, autant de discours définitifs. Qui disent aussi combien la psychiatrie est la loupe grossissante d’une époque exsangue.

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