Le difficile équilibre des socialistes

Le projet de réforme élaboré par le PS met à contribution les revenus du capital et maintient le droit à la retraite à 60 ans. Mais il veut aussi inciter plus fortement les salariés à différer leur départ.

Michel Soudais  • 27 mai 2010 abonné·es

Après plusieurs déclarations contradictoires de ses dirigeants, révélatrices de divergences entre eux, le PS a dévoilé le 18 mai « sa » réforme des retraites. Adoptée à l’unanimité du bureau national moins trois abstentions (Malek Boutih, Manuel Valls, Gérard Collomb), celle-ci a l’ambition d’ « apporter aux Français une forme de confiance dans leur système de retraite » face à la « réforme bâclée » présentée par le gouvernement Fillon. Ce contre-projet, résumé dans un texte de huit pages, s’inscrit toutefois dans le cadre des hypothèses formulées par le Conseil d’orientation des retraites (COR). L’horizon choisi est 2025, avec un nouveau rendez-vous fixé cette année-là.

Refusant d’aborder la réforme des retraites « sous le seul angle de paramètres techniques de financement » , les socialistes considèrent qu’ « elle relève d’abord d’un choix de société » . Et défendent une « réforme juste et ambitieuse » qui jette les bases d’un système de retraite à la fois « universel et personnalisé ». Leur réforme repose ainsi sur plusieurs piliers, en particulier une mise à contribution des revenus du capital et une taxation des banques, des mesures pour l’emploi des seniors, la prise en compte de la pénibilité, une « retraite choisie » avec un « compte-temps » et le maintien des 60 ans.

À rebours du gouvernement, accusé d’instrumentaliser les statistiques du COR et de manipuler la situation des retraites dans les autres pays « pour imposer une réforme exclusivement centrée sur la remise en question de l’âge légal de départ en retraite à 60 ans », le PS refuse toute remise en cause de cette conquête sociale. Martine Aubry promet même de rétablir l’âge légal à 60 ans en cas de victoire en 2012 si le gouvernement décidait de le repousser.

Le PS s’oppose aussi à tout allongement de la durée de cotisation – du moins jusqu’en 2020, la question pouvant être revue à cette date – mais ne conteste plus la réforme Fillon de 2003, qui fera passer la durée de cotisation à 41 ans en 2012 et 41 ans et demi en 2020. «  Dans le projet du PS, nous admettons qu’il y aura cet allongement d’ici à 2020, ce qui n’allait pas forcément de soi » , souligne François Hollande. Sous sa direction, le congrès de Dijon, en mai 2003, s’était en effet engagé à la quasi-unanimité à abroger la réforme de François Fillon. « À partir de 2020, poursuit le député de Corrèze, s’il y a le constat d’un nouvel allongement de l’espérance de vie, il y aura, et cela a été admis par tous, un allongement de la durée de cotisation. »

L’un des axes majeurs du contre-projet socialiste consiste à « mettre à contribution les revenus du capital » , avec la majoration des prélèvements sociaux sur les bonus et stock-options (de 5 % à 38 %), le relèvement du forfait social appliqué à l’intéressement (de 4 % à 20 %), l’application de la CSG sur les revenus du capital actuellement exonérés, la remise en cause de la défiscalisation des plus-values sur les cessions de filiales, une augmentation de la contribution sur la valeur ajoutée de 1,5 % à 2,2 %, en exonérant les petites entreprises. Le tout rapporterait 19 milliards d’euros dès 2010 et 25 milliards en 2025. Le PS veut aussi relever de 15 % l’impôt sur les sociétés (IS) acquitté par les banques, une contribution supplémentaire dont il attend 3 milliards d’euros par an pour abonder le Fonds de réserve des retraites créé par Lionel Jospin quand il était à Matignon.

Toujours dans le volet financement, le PS propose « une augmentation modérée et étalée dans le temps des cotisations patronales et salariales à partir de 2012 » , le temps de laisser se dissiper les effets de la crise. Cette hausse serait de 0,1 % chaque année pour atteindre 1 % au bout de dix ans. Pour un coût estimé de 20 à 25 euros par mois pour un salaire moyen, cette mesure pourrait rapporter 12 milliards au système de retraites.

Autre volet de leur contre-projet, les socialistes insistent sur l’emploi des seniors, dont « l’augmentation du taux d’emploi conditionne la viabilité de toute politique en matière de retraite » . Ils prônent à cette fin « un rendez-vous tous les 2 ou 3 ans pour tous les salariés dès 45 ans » , une généralisation du tutorat, « une pénalité dissuasive » pour entreprises réfractaires… Jugeant « prioritaire » la prise en compte de la pénibilité – travail de nuit, efforts physiques intenses, exposition à des produits cancérigènes… –, ils envisagent un système de majoration des annuités permettant de partir plus tôt et estiment à 5 milliards d’euros l’enveloppe qu’il faudrait y consacrer.

Enfin, le PS ne cache pas son intention d’aller vers un système de « retraite choisie », qui n’est pas sans similitudes avec la « retraite à la carte » défendue par le MoDem. Si le « compte-temps » , créé pour les nouvelles générations afin de décloisonner « le temps de la formation, le temps du travail, le temps de la retraite » et de prendre en compte les années de formation et de stages, ne remet pas en cause le principe du départ à la retraite à 60 ans, ce n’est pas le cas du renforcement de la surcote, destiné à inciter à travailler plus longtemps « ceux qui le peuvent et le souhaitent ».
Dès l’instant où l’incitation individuelle à travailler plus longtemps sera forte, le droit collectif à partir à 60 ans risque bien de n’être plus qu’un trompe-l’œil. Ou, comme l’affirmait déjà le bureau national du PS dans sa déclaration du 26 janvier, pas autre chose que « la possibilité de faire valoir ses droits, quel que soit le montant de sa retraite ». C’est-à-dire le droit de partir sans garantie sur le montant de sa pension.

Temps de lecture : 5 minutes