L’humour verrouillé

Didier Porte ne sera
plus à la matinale
de France Inter.
Fin d’une collaboration qui, à vrai dire, était en sursis depuis longtemps.

Jean-Claude Renard  • 24 juin 2010 abonné·es
L’humour verrouillé
© PHOTO : ABRAMOVITZ/RADIO FRANCE

Vociférant à l’antenne – sous la voix de Dominique de Villepin, connu pour son langage de charretier – « J’encule Sarkozy ! » , Didier Porte avait reçu un avertissement de la direction. Et vu sur le plateau du « Grand Journal » de Canal + ses collègues de la matinale d’Inter, Nicolas Demorand, Thomas Legrand et Bernard Guetta, se désolidariser de concert. Le clouant au pilori. L’avertissement infligé par Philippe Val a été l’occasion de reposer cette question sempiternelle : quelles sont les limites de l’humour ? Ou bien : les humoristes vont-ils trop loin ? Poser la question, d’une certaine manière, c’est déjà y répondre. Elle ne devrait donc pas être posée. Et, comme l’a rappelé fort justement Stéphane Guillon (pour le coup, pleinement solidaire de son comparse), sans doute Philippe Val a-t-il oublié qu’il y a quelques années, en compagnie de Patrick Font, ­l’affiche de son spectacle placardée dans tout Paris montrait un ­ministre de la Culture sodomisé (François Léotard, en l’occurrence).

Surtout, qu’on apprécie ou pas le ton de cette seule chronique, il est curieux de voir subitement en Didier Porte un chantre de la vulgarité, un trublion qui aurait « piégé » la matinale. C’est oublier un peu vite la clairvoyance, le décryptage politique de ses chroniques habituelles, frondeuses, corrosives et drôles [^2]. Didier Porte assure qu’il ne sera plus à la matinale à la rentrée. On peut difficilement imaginer le contraire dans une telle ambiance de « camaraderie ». À vrai dire, Porte était en sursis depuis une bonne année. Il le savait. A fortiori en prenant le parti de Siné Hebdo (dans lequel il signait des chroniques).

Il n’y aura probablement pas non plus Stéphane Guillon. Sans avoir à les virer, il suffit à la direction ­d’imposer une autre case horaire pour se débarrasser des guignols en transe de provocations. Didier Porte reconnaît avoir sauvé sa peau « in extremis » dans « Le Fou du roi » de Stéphane Bern, auquel il collabore depuis dix ans. C’est tant mieux. Voilà donc un tintamarre de plus au sein d’une ­maison ronde qui a le goût des psychodrames. Qui devrait plutôt, au moment où se prépare la grille de rentrée, s’interroger, voire se mobiliser, sur le statut de ses salariés, producteurs, attachés de production, précarisés, reconduits de contrats à durée déterminée en contrats à durée déterminée, le temps d’une saison.

[^2]: À lire : les Pipoles à la porte, Didier Porte (recueil de ses chroniques entre janvier 2008 et avril 2009), éd. La Découverte/France Inter, 240 p., 14 euros.

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