Ça bouge pour les migrations !

La Cimade fête ses 70 ans le 27 novembre en conviant tous ceux qui luttent auprès des migrants dans les écoles, les facs, les hôpitaux, les cabinets d’avocats, les salles de spectacle… Inventaire.

Ingrid Merckx  • 11 novembre 2010 abonné·es
Ça bouge pour les migrations !
© Photo : Medina/AFP

École

Lumière dans l’histoire récente des mobilisations et l’avalanche de lois répressives contre l’immigration : l’émergence en 2004 du Réseau éducation sans frontières (voir Politis n° 1092), puis son succès. D’aucuns s’interrogent maintenant sur le réel poids politique et médiatique du réseau. En parallèle, s’est constitué en septembre 2009 un Collectif pour le droit des enfants roms à l’éducation. « 5 000 à 7 000 enfants roms présents en France aujourd’hui sont arrivés ou arriveront à 16 ans sans avoir jamais, ou presque, été à l’école » , estime le collectif. Les évacuations et les expulsions répétées ont des « répercussions sur la scolarité » et peuvent entraîner des « traumatismes graves » .

Contacts : RESF, FCPE, Collectif pour le droit des enfants roms à l’éducation, Cemea, Ligue de l’enseignement.

Universités

« Être étudiant sans papiers, c’est d’abord encourir le risque de se voir refuser une inscription… » , alertait à sa création en juin 2006 le Réseau universités sans frontières, petit frère de RESF. « Délivrance automatique d’un visa d’études depuis l’étranger à tout étudiant pré­inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur » et « fin du contrôle du parcours pédagogique par les préfectures » , réclamait l’Unef le 8 février 2008. « La question des migrations a toujours été présente à l’université dans une dimension de recherches engagées » , résume Jérôme Valluy, politologue et cofondateur du Réseau Terra. Et des associations comme la Cimade et le Gisti ont toujours fonctionné avec des universitaires. « Mais, avec la radicalisation des appareils d’État et du champ politique européen, il y a eu une multiplication des chercheurs impliqués depuis les années 2000… » Le réseau Terra s’est monté en 2004 pour ouvrir un champ sur des questions négligées par les laboratoires et les revues : le rapport à l’altérité, le nationalisme, la xénophobie… Ils étaient 6 au comité éditorial de Terra à sa création. Ils sont 30 aujourd’hui. Ils étaient 30 au comité scientifique, contre 150 aujourd’hui. « La création du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale a objectivé la xénophobie d’État, qui est maintenant un phénomène reconnu par le champ académique. »

Contacts : Terra, IRD, Urmis, Laboratoire Diasporas, RUSF, Unef, Starting-Block.

Syndicats

Le collectif Droits devant !! ferraillait depuis 2003 « quand on a réalisé que tous les sans-papiers dans nos permanences travaillaient, dont 70 % de cotisants, se souvient Jean-Claude Amara, de Droits Devant !!… L’idée, dès le départ, était de porter leurs revendications non devant le ministère de l’Immigration mais devant le ministère du Travail. » Le collectif a dû attendre 2007 pour voir un syndicat rejoindre ses actions. Ce fut l’union locale 91 de la CGT sur les piquets de grève des « Buffalo grill » dans l’Essonne. Une alliance s’est constituée vers des grèves communes. « Pas de critères de régularisation ! » , réclame Droits devant !!, tandis que la CGT opte pour des listes de « régularisables ». Du coup, ce « tandem hybride » s’est un peu défait. « L’interdiction de travailler a transformé les sans-papiers en “denrée exploitable” pour le patronat, ce qui cause du tort à l’ensemble des travailleurs » , rappelle Jean-Claude Amara. En 2008, SUD-Solidaires a rejoint le mouvement, la CNT aussi. Depuis 1974, dénonce Droits devant !!, 1,8 milliard d’euros ont été détournés par l’État sur le dos des travailleurs sans papiers.

Santé

« Les migrants étrangers sont parmi les principales victimes des inégalités de soins en France » , rappelle le Comité médical pour les exilés (Comede), fondé en 1979 par Amnesty International, la Cimade et le Groupe accueil solidarité. Le combat pour la santé des étrangers est marqué par le basculement des demandeurs d’asile « dans la plus grande précarité » en 1991, avec la suppression de l’autorisation de travailler, puis l’exclusion des exilés de la Sécurité sociale en 1993 et de la Couverture maladie universelle (CMU) en 1999. Fin 2010, les inquiétudes portent en priorité sur les atteintes à l’aide médicale d’État (AME) et la limitation du droit au séjour pour raison médicale. Des médecins libéraux encouragent la Sécurité sociale à enquêter sur leurs homologues qui refusent les « patients en CMU ou AME » .

Contacts : Act Up, Association Primo Levi, Comede, Médecins du monde, Observatoire du droit à la santé des étrangers.

Justice

La défense des droits des étrangers est une tradition très ancrée dans le monde de la justice pour ­plusieurs syndicats et collectifs. C’est moins évident si l’on considère l’ensemble du corps judiciaire. Le droit des étrangers est tellement complexe et technique qu’il est devenu une spécialité et réclame un fort investissement personnel. D’où la circulation de listes d’ « avocats de sans-papiers ». Cette technicisation risque encore d’empirer avec le texte de loi « Immigration, intégration et nationalité » adopté à l’Assemblée le 12 octobre.

Contacts : Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France, Avocats pour la défense des droits des étrangers, Elena (les avocats pour le droit d’asile), Ligue des droits de l’homme, Juristes-Solidarité.

Culture

Depuis l’occupation de l’église Saint-Bernard en 1996, le mouvement de défense des sans-papiers compte des comédiens, des metteurs en scène, des réalisateurs, des musiciens… À Toulouse, en 1987, des membres du groupe Zebda et des habitants des quartiers nord ont créé l’association Tactikollectif, qui favorise l’expression des habitants des quartiers populaires et l’action culturelle. Depuis sept ans, Tactikollectif organise Origines contrôlées, un festival qui mêle spectacles et réflexions sur les migrations. Il se tient cette année du 22 au 27 novembre à la Bourse du travail.

Contacts : Taktikollectif, Comité d’aide exceptionnelle aux intellectuels réfugiés.

Paroisses

Cercles de silence lancés par les Franciscains à Toulouse, jeûne de dix jours devant l’Assemblée contre la loi Besson : des chrétiens se mobilisent sur les questions migratoires. « Les politiques qui maltraitent les étrangers portent atteinte à notre humanité , résume Jean-Paul Nunez, membre de la Cimade et pasteur. Nous avons obligation d’hospitalité. Pas par bonne conscience mais pour mettre en garde contre un danger : le glissement sécuritaire nous menace tous. Des groupes dans des églises entendent dire aux responsables de droite et de gauche : “Ce que vous faites aux étrangers, l’accepteriez-vous pour vos proches et pour vous-même ?” »

Contacts : Acat, Fédération protestante de France, Pastorale des migrants, Fédération de l’entraide protestante, le réseau Chrétiens-Immigrés, le Défap, La Maison verte.

Lutte contre l’exclusion

« L’accueil inconditionnel » fait partie des fondamentaux des centres d’hébergement. En juin 2009, la Fnars a dû réclamer la sanctuarisation de ces centres en réaction à une succession de descentes de police et d’arrestations de sans-papiers ainsi que de mises en garde à vue de travailleurs sociaux et de bénévoles. La plupart des structures sont en grande partie financées par l’État et donc gênées dans leur mission par la politique de lutte contre l’immigration clandestine. Nicole Maestracci, de la Fnars, évoque aussi une « désespérance » des travailleurs sociaux face aux sans-papiers : « Sans perspectives de régularisation, il est très difficile d’accompagner ces personnes. »

Contacts : Fondation Abbé-Pierre, Emmaüs, Secours catholique, Fnars, Dom’asile.

Famille

Multiplication des procédures d’opposition à un mariage, difficultés pour obtenir la transcription des unions célébrées à l’étranger, multiplication des refus de visa ou de titre de séjour, éloignement des conjoints de Français en situation irrégulière, enquêtes de police sur la communauté de vie ne respectant pas les règles de déontologie, non-reconnaissance du droit au séjour des couples mixtes vivant hors mariage… La lutte contre les mariages blancs et gris et la politique de limitation du regroupement familial font la vie dure aux couples mixtes. Qui livrent une bataille juridique singulière.

Contact : Les Amoureux au ban public.

ONG

Face au durcissement des politiques migratoires en Europe et en France, de nouveaux partenariats et réseaux se créent. Mais quels échanges réels de points de vue et de pratiques avec le Sud ? L’Europe navigue entre forteresse et miroir aux alouettes.

Contacts : Migreurop, Centre Ritimo, CCFD, Crid, Cedetim, Forim.

Société
Temps de lecture : 7 minutes

Pour aller plus loin…

« Le RN reste un parti hostile à tout mouvement social »
La Midinale 12 septembre 2025

« Le RN reste un parti hostile à tout mouvement social »

Safia Dahani, docteure en science politique, co-directrice de l’ouvrage Sociologie politique du Rassemblement national aux Presses universitaires du Septentrion, est l’invitée de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien
Ce que « Bloquons tout » peut construire en vue du 18 septembre
Décryptage 11 septembre 2025 abonné·es

Ce que « Bloquons tout » peut construire en vue du 18 septembre

Plus de 200 000 personnes se sont mobilisées ce 10 septembre. Des chiffres qui dépassent largement les estimations du gouvernement, même si cela reste peu en comparaison de la lutte contre les retraites. Un tremplin vers la mobilisation intersyndicale du 18 septembre ?
Par Pierre Jequier-Zalc
« Nos enfants qui vivent mieux que nous est une idée très largement menacée »
Entretien 11 septembre 2025 abonné·es

« Nos enfants qui vivent mieux que nous est une idée très largement menacée »

Historienne et spécialiste des mouvements sociaux et des mobilisations féministes, Fanny Gallot appelle à « désandrocentrer » le travail pour appréhender la diversité du secteur reproductif, aujourd’hui en crise.
Par Hugo Boursier
10 septembre : « Pourquoi est-ce toujours aux jeunes des quartiers de rejoindre les mobilisations ? »
Analyse 11 septembre 2025 abonné·es

10 septembre : « Pourquoi est-ce toujours aux jeunes des quartiers de rejoindre les mobilisations ? »

Le 10 septembre devait rassembler tout le monde. Pourtant, les jeunes des quartiers populaires étaient peu représentés. Absents ou oubliés ? Dans les rassemblements, au sein des associations et pour les jeunes eux-mêmes, la question s’est posée.
Par Kamélia Ouaïssa