Quel avenir politique ?

La large défaite des Démocrates aux élections de « midterm » ne condamne pas les chances de Barack Obama d’être réélu en 2012. Les Républicains sont en effet très divisés.

Denis Sieffert  • 11 novembre 2010 abonné·es

Toute élection législative à mi-mandat s’apparente à un premier bilan de la présidence. En ce sens, le 2 novembre marque donc la défaite d’un homme qui n’a pas su mobiliser ceux qui l’avaient porté à la Maison Blanche en 2008. Et cela parce qu’il n’a pas su montrer une volonté de prendre à bras-le-corps le principal dossier social du moment, celui du chômage, qui a atteint 9,6 % de la population active. Quant aux effets de sa réforme de santé sur les quelque 17 % qui n’ont pas de couverture sociale, ils ne seront sensibles qu’en 2014. Mais l’impression d’un échec personnel doit être tempérée par le fait que les législatives, comme les élections des gouverneurs, désignent évidemment des personnalités locales. D’ailleurs, 37 % des votants ont indiqué que, selon eux, Obama n’était pas l’enjeu de ces élections. De plus, aux États-Unis, où l’on est toujours rétif à l’encontre du pouvoir central, les législatives représentent un terrain favorable au vote antifédéral.

Que va pouvoir faire Obama dans ce nouveau paysage politique ? A priori pas grand-chose. En particulier dans les domaines écologique et social, où il va se heurter à l’hostilité des Républicains. Il peut, en revanche, garder une certaine marge de manœuvre dans sa politique étrangère. Encore faudrait-il qu’il en ait lui-même la volonté. Il pourrait sans doute, par exemple, se désengager plus vite d’Afghanistan. Les Républicains étant très divisés sur ce dossier, et l’opinion étant de moins en moins favorable à cet engagement.

Mais c’est ici Obama lui-même qui se refuse à un retrait anticipé. Il risque d’être entravé dans sa politique de désarmement nucléaire parce que les élus républicains ont encore, dans leur immense majorité, une représentation du monde très « guerre froide ». Sa marge de manœuvre sera évidemment très faible au Proche-Orient. Certains observateurs lui prêtent cependant l’intention de s’investir personnellement dans la recherche d’une solution au conflit israélo-palestinien. C’est une option possible. Obama sait que s’il réussissait à attacher son nom à un spectaculaire succès diplomatique dans ce dossier historique, il serait en position de force. Mais le pari serait d’autant plus risqué que le gouvernement israélien est très proche des néoconservateurs américains. Soit deux bonnes raisons de le faire trébucher.

Pour autant, les chances d’Obama d’être réélu en 2012 sont loin d’être nulles. On se souvient que Ronald Reagan, en 1982, et Bill Clinton, en 1994, avaient connu des échecs semblables à mi-mandat, et qu’ils avaient été réélus deux ans plus tard. En 2012, les Républicains devront partager le bilan avec Obama. Mais il y a surtout la division dans leurs rangs. L’apparition en 2008 du Tea Party brouille les pistes. L’idéologie du nouveau mouvement n’est pas celle des caciques républicains, et pas non plus celle des néoconservateurs qui dominaient l’administration Bush. Ceux-ci voulaient plier le monde à leur volonté, redessiner le « grand Moyen-Orient » du Maroc à l’Afghanistan.

Le Tea Party incarne plutôt une Amérique protectionniste, repliée sur un ordre moral : campagne anti-avortement, lobby des armes, mouvements anti-impôts. C’est « not in my backyard ». La candidate Tea Party du Delaware s’est même fait connaître pour sa croisade antimasturbation. Elle a été battue… Face à l’égérie du Tea Party, Sarah Palin, Obama serait évidemment en position de force. Même le tribun du mouvement populiste, Marco Rubio, fils d’exilé cubain, élu sénateur de Floride, et, comme il se doit, ultraréactionnaire, serait sans doute trop extrémiste pour l’emporter. Obama a donc encore toutes ses chances. Mais pour quelle politique ?

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Une société debout
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