« Le Parc doit avoir ses tribunes populaires »

Neuf mois après la mort d’un supporter, le Paris-Saint-Germain devrait annoncer mi-décembre des mesures pour sortir de la violence. Les explications de Robin Leproux, président du club.

Denis Sieffert  et  Jean-Claude Renard  • 9 décembre 2010 abonné·es

Politis : Au-delà des sanctions sportives et judiciaires, sitôt après les événements dramatiques de février dernier, quelles ont été les mesures prises pour éradiquer la violence ?

Robin Leproux : Il nous était devenu impossible de voyager, on a dû jouer à huis clos. Certains avaient même suggéré de dissoudre le PSG. Nous étions devenus infréquentables. Ça ne pouvait plus durer. Les 12 000 abonnements des tribunes d’Auteuil et de Boulogne, concentrant toute la violence, ont été suspendus. Et, tout en interdisant l’accès aux supporters les plus violents, la première mesure a été de mélanger le public, d’éviter d’avoir des tribunes méchamment identitaires où l’on vient manifester autre chose qu’un soutien au club et le plaisir de venir au stade. Il fallait faire revenir les gens sans en faire une question d’argent, comme on nous l’a pourtant reproché en prétendant que nous avions supprimé les associations et les supporters ultras pour augmenter le prix des places. Pour mélanger le public, la billetterie a été modifiée de sorte que les supporters achètent un billet sans pour autant choisir une tribune précise. Le football est un sport ouvert à tous, et doit le ­rester. Le Parc des princes doit donc avoir ses tribunes populaires.

Le résultat est-il satisfaisant ?

On n’a plus aujourd’hui de problème de violence, ni dans le stade ni aux alentours. Cela dit, ce n’est pas satisfaisant. Il n’est pas normal d’avoir suspendu 12 000 abonnements. Nous sommes justement aujourd’hui en train de définir les prochaines règles, après nombre de médiations. La prochaine phase est celle d’un retour aux abonnements et d’une réintroduction des associations qui savent organiser une animation dans les tribunes. L’opération est sensible, très fragile, car en recréant une ferveur il ne faudrait pas revenir aux situations antérieures. Reste que des milliers de gens sont attachés à leur tribune.

Avez-vous eu le sentiment que des supporters étaient instrumentalisés ?

Dans les deux tribunes concernées par la violence, il y a de la politique. Mais ce n’est pas le cas de la majorité des gens. Si l’on caricature, il y aurait au sein de la tribune Boulogne l’extrême droite, avec des racistes, des fascistes et des antisémites, et, de l’autre côté, les courants d’extrême gauche les plus durs. Mais dans l’ensemble, à 95 %, le public du Paris-Saint-Germain n’est ni raciste, ni violent, ni politique. Cependant, il reste attaché à sa tribune, à un carré de béton, à un endroit qui est une part de son identité. « C’est chez nous » , disent les supporters.
Nous sommes dans une société de contraintes. Or, le stade est un lieu de liberté dans lequel les supporters veulent entrer librement, entre amis. Tout cela serait très bien si l’on n’était pas arrivé aux extrémités funestes que l’on a connues, avec une deuxième victime en trois ans.
Même avant ces dernières années, le club a toujours connu des problèmes de supporters…

En effet, cela fait longtemps que le climat n’est pas satisfaisant. J’ai pris le club il y a deux ans, et mon but est de le faire progresser, sur tous les plans.
Le club s’est-il appuyé sur des associations extérieures pour mettre en place les mesures ?

Les médiations ont réuni les responsables du club, les associations de supporters (sauf celles, bien entendu, qui ont été dissoutes) et de nouvelles personnalités du réseau Internet qui se sont exprimées en faveur du réabonnement. Par ailleurs, nous avons multiplié le travail avec plusieurs entités. Nous avons depuis longtemps un partenariat important avec la Licra et le Paris Foot Gay. Nous avons aussi récemment travaillé avec SOS Racisme, avec des gens de la société civile aux sensibilités différentes, circulant ensemble autour du stade avant les matchs pour observer, pour savoir qui fait quoi, qui se comporte mal, ce qu’on entend dans les regroupements, pour savoir s’il y a des propos racistes. Le but est de savoir ce qui se passe. S’il y a des années que la violence existe, on a maintenant réussi à pacifier les abords du stade, tout en sachant que cela reste fragile. C’est donc un travail en amont très important. On ne peut plus maintenant commettre des exactions impunément. La police a également apporté son soutien en identifiant précisément les regroupements les plus violents, et le plus souvent avant les matchs, sur tel ou tel point de fixation. Elle travaille donc en civil, en anticipant. Dissoudre les regroupements de 30 à 50 personnes protège tout le monde.

Avez-vous eu le sentiment d’avoir perdu un certain public ?

On en a perdu toutes ces dernières années, et notamment un public familial. On a donc mis en place des packages familiaux, gratuits pour les femmes et à demi-tarif pour les moins de 16 ans, qui permettent de voir un match pour 24 euros à quatre personnes. Sachant que le Parc est maintenant calme, les gens commencent à revenir. Mais, depuis la suspension des abonnements, la moyenne a baissé de 4 000 spectateurs depuis la rentrée.

Les bons résultats ont-ils une influence ?

Indéniablement, ça aide. L’image très négative (et pourtant injuste parce que la majeure partie de notre public se comporte correctement) qui nous a collé a beaucoup nui. Mais dès lors qu’on prend le sujet à bras-le-corps, que l’information circule, que le jeu s’améliore et l’image du club avec, les choses peuvent évoluer. La qualité du jeu est d’autant plus importante que nous sommes à Paris, et que d’une manière générale, pour tout spectacle, le public parisien est très exigeant, au théâtre comme au foot. Il a aussi en mémoire les grandes heures du PSG, et l’on ne peut en vouloir au supporter d’avoir une haute opinion de son club.

Le fait que le PSG soit le seul grand club de la capitale n’est-il pas un handicap ?

Peut-être. Étant seul, le club se doit d’être un modèle dans la région, sur le refus du racisme, de la violence, des groupes de pression. Nous sommes heureux d’être le club de la Ligue 1, mais un club supplémentaire ­enlèverait beaucoup de pression, et sur le plan commercial, en termes de sponsors, cela dynamiserait l’offre.

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