Une lutte de tous contre tous

Patrick Vassort, sociologue, maître de conférence à l’université de Caen*, explique en quoi le sport peut être un théâtre de conflictualité propice à une instrumentalisation.

Jean-Claude Renard  • 9 décembre 2010 abonné·es

« Cela fait longtemps que la violence est présente dans le club parisien. Six ou sept ans après sa création, vers 1977-1978, sont apparus les premiers groupes violents, racistes, xénophobes et nationalistes, avec notamment la présence de skinheads. S’agit-il de vrais supporters ? Ce n’est plus le débat. Mais certains groupes extrémistes utilisent les tribunes pour recruter parce qu’ils sont sûrs d’y trouver la chair à canon nécessaire, des gens qui seront sensibles à ce qui est montré ou raconté. Il est beaucoup plus difficile d’aller recruter des extrémistes à l’opéra ou au théâtre.

Le problème persiste parce que, au fond, le football véhicule ces valeurs. Il s’agit du sport le plus populaire, là où on arrive à faire groupe. Or, il y a dans le sport cette dimension indéniable, identitaire, qui permet sans doute de valoriser les régionalismes et les nationalismes. Le sport est une pratique hautement compétitive où l’on crée de la conflictualité. Si on y ajoute la dimension identitaire, il y a tout ce qu’il faut pour que le sport devienne un haut lieu des revendications d’extrême droite. On ne peut oublier que Coubertin a favorisé le sport en France dans le but de “bronzer la race”, c’est-à-dire de faire des corps d’acier de manière à prendre une revanche sur les Allemands. Cette dimension identitaire est ainsi propre au sport, à son développement.
On ne peut donc parler de basculement dans la violence, mais d’une accélération due au tout-médias, ce que Guy Debord appelle “la société du spectacle” et Marx “l’abstraction de la valeur” .

Autrement dit, on va trouver des valorisations dans ce qui, fondamentalement, ne mérite pas d’être valorisé. La médiatisation montre le spectacle mais aussi fait croire à l’importance de celui-ci. Le vrai basculement, dans cette lutte de tous contre tous que représentent les groupes de supporters, se situe peut-être dans l’importance que l’on donne au sport. »

Société
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Aux États-Unis, l’habit fait le trumpiste
Analyse 12 décembre 2025 abonné·es

Aux États-Unis, l’habit fait le trumpiste

Entre exaltation d’une féminité à l’ancienne, nostalgie d’une Amérique fantasmée et stratégies médiatiques, l’esthétique vestimentaire se transforme en arme politique au service du courant Maga. Les conservateurs s’en prennent jusqu’à la couleur rose d’un pull pour hommes.
Par Juliette Heinzlef
Naturalisation : des Palestiniens sous pression de la DGSI
Enquête 11 décembre 2025 abonné·es

Naturalisation : des Palestiniens sous pression de la DGSI

Convoqués par la Direction générale de la sécurité intérieure alors qu’ils demandaient la nationalité française, trois Palestiniens racontent les entretiens durant lesquels on leur a suggéré de fournir aux Renseignements des informations sur le mouvement associatif palestinien.
Par Pauline Migevant
« La surveillance des Palestiniens en Europe est très répandue »
Entretien 11 décembre 2025

« La surveillance des Palestiniens en Europe est très répandue »

En Europe, les Palestiniens sont de plus en plus ciblés par les surveillances numériques ou les fermetures de comptes bancaires. Layla Kattermann, responsable de la veille pour l’European Legal Support Center, revient sur ce standard européen de surveillance.
Par William Jean
À la frontière franco-britannique, la parade de l’extrême droite, entre associations inquiètes et forces de l’ordre passives
Reportage 6 décembre 2025 libéré

À la frontière franco-britannique, la parade de l’extrême droite, entre associations inquiètes et forces de l’ordre passives

Sur la plage de Gravelines, lieu de départ de small boats vers l’Angleterre, des militants d’extrême droite britannique se sont ajoutés vendredi 5 décembre matin aux forces de l’ordre et observateurs associatifs. Une action de propagande dans un contexte d’intimidations de l’extrême droite. Reportage.
Par Pauline Migevant et Maxime Sirvins