Ces magistrats jugés trop pugnaces

Sébastien Fontenelle  • 6 janvier 2011 abonné·es

À défaut – ou en attendant – de supprimer pour de bon les juges d’instruction, il est du moins possible de les faire disparaître du paysage quand ils se font trop manifestement pressants, même si cela reste relativement exceptionnel car un peu voyant.

En 1991, le juge Thierry Jean-Pierre, qui s’intéresse au financement du Parti socialiste, perquisitionne les locaux de la société Urba-Gracco. Mal lui en prend : il est, dans l’heure, dessaisi de l’affaire par le ministre – socialiste – de la Justice de l’époque, Henri Nallet, qui présente cette perquisition comme une « équipée sauvage » . Le dossier est alors confié à un conseiller à la cour d’appel de Rennes
– dans l’espoir qu’il se montrera plus déférent. Mauvaise pioche : ce magistrat encore inconnu est un certain… Renaud Van Ruymbeke, qui poussera l’indocilité jusqu’à perquisitionner au siège du PS.

La gauche ne détient bien sûr pas le monopole de telles pratiques : le juge Éric Halphen en a fait l’amère expérience. Saisi en 1994 de l’affaire dite des HLM de la Ville de Paris, où se dessine le fort soupçon d’un financement occulte du RPR (ancêtre de l’UMP), ce magistrat comprend assez rapidement que l’instruction de ce dossier relève de la mission impossible. En 1996, les policiers chargés de l’assister dans sa perquisition du domicile du maire de Paris de l’époque, Jean Tiberi, refusent, en toute illégalité, et sur ordre de leur hiérarchie, de l’assister. Il persévère cependant et finit par convoquer Jacques Chirac, président de la République, afin de l’auditionner comme témoin assisté : le chef de l’État ne défère bien sûr pas à cette convocation, mais, quelques semaines plus tard, l’irrespectueux juge est dessaisi…

Publié dans le dossier
L'art d'enterrer les affaires
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