Gaz de schiste : « Nous lançons un avertissement aux prospecteurs pétroliers »

Une manifestation des opposants à l’exploitation du gaz de schiste est prévue demain, samedi 26 février, à Villeneuve-de-Berg (Ardèche) où deux puits doivent être forés d’ici la fin de l’année. Trois questions à Jean-Louis Chopy, porte-parole du collectif « stop au gaz de Schiste ».

Erwan Manac'h  • 25 février 2011
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Gaz de schiste : « Nous lançons un avertissement aux prospecteurs pétroliers »
© Photo : Mu sen / AFP

Petit à petit, le gaz de schiste se fait un nom en France. Enfermé à des centaines de mètres sous terre depuis près de 20 millions d’années, son exploitation est devenue rentable avec les progrès techniques et la flambée du prix des hydrocarbures. Nous vous parlions le 27 janvier des graves problèmes écologiques qu’entraîne l’extraction de ce gaz, avec la contamination des nappes phréatiques et de l’air (lire « le pétrole est mort ? Vive les gaz de schiste ! », Politis n° 1137)

Des permis ont été accordés à trois sociétés (Total, GDF Suez et Schuepbach Energy), pour mener des forages d’exploration sur une zone qui recouvre le triangle Montélimar–Montpellier–plateau du Larzac.


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Jean-Louis Chopy est un des porte-parole du collectif « stop au gaz de Schiste » de l’Ardèche.

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Politis.fr : Où en est la mobilisation ?**

Jean-Louis Chopy : Tout le monde a été sensibilisé un peu au même moment, au mois de décembre, avec la diffusion d’un film tourné aux USA (Gasland), qui montre les dégagements de gaz toxiques et les énormes dégâts du procédé sur l’environnement.

Très rapidement nous avons eu des centaines puis des milliers de personnes dans les réunions des collectifs, y compris dans les cantons majoritairement à droite. On a donc rallié le soutien d’une large palette de partis politiques, de syndicats et d’associations.

Nous essayons de trouver des failles au code minier, qui protège très mal les propriétaire de terres face au lobbies pétrolier. Des plaintes ont été déposées avec Cap 21 et France Nature environnement notamment, pour tenter d’empêcher les prospecteurs de forer dans nos champs.

Et puis nous attendons beaucoup de monde ce samedi 26 février. Il y a une vraie flambée de résistance ici, pour la protection des cultures AOC et du tourisme vert que la région accueille. L’Ardèche est aussi une terre de résistance. Nous lançons donc un avertissement aux prospecteurs : s’ils veulent venir, ils vont avoir du mal.

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Vous demandez en priorité au ministre français de l’environnement de supprimer les autorisations de prospecter ?**

La partie de bras de fer se joue plutôt entre nous et les pétroliers directement. Les politiques sont sous l’influence directe des lobbies énergétiques. C’est donc à nous de faire céder les pétroliers. Nathalie Kosciusko Morizet (ministre de l’Ecologie) et Éric Besson (Industrie) suivront à ce moment-là et trouveront un moyen, contrairement à ce qu’ils nous ont dit jusqu’à présent, pour supprimer les permis et lancer un débat au plan national.

Cette mobilisation nous incite aussi à réfléchir à l’avenir. Il faut modifier notre type de société, notre ébriété énergétique. Le changement doit venir d’en bas, c’est à nous de construire notre futur.

Les Etats-Unis depuis plusieurs années et maintenant le Canada exploitent le gaz de Schiste. Quel bilan tirez-vous de ces expériences ?

En 2004 le ministre de l’environnement américain a fait une première analyse du processus d’extraction, avec les industriels, concluant qu’il n’y avait aucun problème. Mais avec l’avalanche de milliers de plaintes de gens qui sont tombés malades, la ville ne New-York s’est inquiétée de la question. Les forages ont été interdits dans l’État de New-York et l’an dernier, le ministère de l’environnement américain a lancé une étude pour analyser les impacts de l’extraction de gaz de schiste.

Le problème gagne donc doucement les consciences, mais les forages continuent. On compte aujourd’hui près de 500 000 puits. Les industriels prennent l’exemple de puits qui n’ont pas fui, car tous ne génèrent pas de pollutions. Malgré des technologies qui progressent, au Québec, une étude sur 31 puits en fonctionnement ([menée par le ministère des Ressources naturelles
et de la Faune->http://www.cyberpresse.ca/environnement/dossiers/gaz-de-schiste/201101/04/01-4357209-la-plupart-des-puits-ont-des-fuites.php]) a montré que 19 d’entre-eux fuyaient.

Et puis des études ont démontré que le bilan énergétique final de ces extractions est quasi nul car le procédé industriel est extrêmement lourd pour extraire ces gaz.


– Ajout, lundi 28/02/11 :

Ce samedi 26 février, entre 10.000 (selon la préfecture) et 20.000 personnes (d’après les organisateurs) étaient réunis à Villeneuve-de-Berg (Ardèche). Lire la dépêche AFP.


  • Voir un extrait du film Gasland , traduit et doublé en français, sur les conséquences écologiques de l’extraction de gaz de schiste aux États-Unis :


Écologie
Temps de lecture : 4 minutes
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