Tartuffe tragique à Benghazi

Sébastien Fontenelle  • 17 mars 2011 abonné·es

Après avoir dans un premier temps douté que l’Arabo-musulman(e) d’outre-Méditerranée fût convenablement prêt(e) pour la-démocratie-comme-chez-nous, BHL a tout de même passé quelques heures à Benghazi – le temps de faire notamment, pour la postérité, quelques jolies photos.

Là, BHL a entretenu des « insurgés » libyens de « la grandeur d’Israël   [^2] », et, surprise : non seulement les mecs se sont pas mis à chanter le Horst Wessel Lied (comme font trop souvent les Arabo-musulman(e)s), mais on l’a même « écouté avec une curiosité perplexe » . (La philosophie, quand elle s’hisse vers de tels niveaux, met pour de bon de bonne humeur.) BHL en tire la conclusion que « la grande démocratie de la région » – Israël, donc – « n’est plus l’ennemi principal » de ces gens qui se font hacher menu par les avions que la-démocratie-comme-chez-nous a vendus au régime kadhafique [^3].

Ces quelques heures à Benghazi font de BHL un expert de gros niveau « de la vie dans la Libye libre » , et lui valent d’être, comme tel, consulté par l’Élysée – où l’on a dans ces matières un goût très sûr –, mais aussi par le Parisien, où il déclare sans pouffer : « Je suis quelqu’un qui ne fait pas les choses à moitié. Je rapporte un reportage sur les horreurs d’une guerre où on envoie des avions mitrailler des populations désarmées. À mon retour, je suis prêt à tout, vraiment à tout, c’est-à-dire à aller trouver Sarkozy, le pape, qui vous voudrez, pour aider à ce que s’arrête ce carnage  [^4]. »

C’est un effronté mensonge : au mois de janvier 2009, quand l’armée de « la grande démocratie de la région » a fait dans Gaza du hachis de « populations désarmées » , tuant des civil(e)s par centaines, BHL est en effet parti en « reportage », mais sans le moins du monde réclamer ensuite chez Benoît XVI « que s’arrête ce carnage » . Bien au contraire, sa conclusion, durant que la tuerie continuait, fut que ses ordonnateurs pouvaient se prévaloir de vrais talents de société : il nota même, dans un moment de rare pudeur et d’absolue dignité, qu’Ehoud Olmert irradiait la « drôlerie » lorsqu’il narrait le « ballet des médiateurs trop pressés » (de voir se finir le « carnage »), et souligna qu’Ehoud Barak, vu de chez lui, depuis son merveilleux « salon tout en longueur […] construit autour des deux pianos dont il joue en virtuose », avait quelque chose en lui de follement raffiné – durant que ses troupes massacraient du Palestinien.

Faut t’y faire, Abu : si c’est un mélomane qui te broie sous ses bombardements, BHL n’ira trouver, pour te sauver, ni le pape ni Sarkozy – l’essentiel étant qu’une presse nourrie au grain de la déontologie continue de lui faire, nonobstant qu’elle sait parfaitement ses tragiques tartufferies, sa jolie statue d’homme de paix.

[^2]: Le Point, 10 mars 2011.

[^3]: Sans que jamais, qu’on sache, BHL ne s’en émeuve, mais bon, c’est pas non plus comme si nos penseurs de gros niveau pouvaient avoir l’œil à tout, dans ce monde pourri.

[^4]: Le Parisien, 13 mars 2011.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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