Un risque de partition

Denis Sieffert  • 24 mars 2011 abonné·es

Tout conflit en Libye est conditionné par la particularité géographique du pays. Non seulement il couvre une immense superficie, 1,8 million de km2 pour 6 173 000 habitants, mais il est coupé en deux par une vaste région désertique, la Djeffara, réputée pour constituer la ligne de séparation entre le Maghreb et le Machrek. Sous l’empire ottoman, la Libye était partagée en trois provinces traditionnelles : à l’est, la Cyrénaïque, dont la ville principale est Benghazi ; au nord-ouest, la Tripolitaine, autour de Tripoli ; et au sud-ouest, le Fezzan (ville principale : Sebha). C’est Mussolini, dont les troupes occupent la Tripolitaine et la Cyrénaïque, qui unifie en 1932 les deux principales provinces pour fonder administrativement la Libye. Les Italiens construisent en 1937 la première route reliant les deux provinces.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les troupes franco-britanniques, victorieuses de l’armée italienne et de l’Afrika Korps de Rommel, occupent le pays à partir de 1943. En 1949, l’ONU se prononce pour l’indépendance de la Libye, qui entre en vigueur le 24 décembre 1951. Idris, émir de Cyrénaïque, devient alors roi de Libye. Il sera destitué le 31 août 1969 par un jeune capitaine de 27 ans, Mouammar Kadhafi, qui s’autoproclame colonel. Mais la véritable révolution qui transforme un pays pauvre en objet de convoitise internationale survient en 1958 lorsqu’on découvre des champs de pétrole dont les gigantesques réserves sont encore sous-exploitées. L’élévation du niveau de vie due au pétrole n’a pas apaisé les tensions intérieures. Malgré le caractère autoritaire du régime, la Cyrénaïque n’a pratiquement jamais cessé d’être un foyer de contestation. De graves incidents sont notamment survenus en 1990. À la suite de l’insurrection de la mi-février 2011, le clivage géographico-politique traditionnel se reforme entre Tripoli, siège du pouvoir et donc davantage contrôlée par Kadhafi, et Benghazi, l’insoumise. C’est l’un des risques de l’intervention occidentale, qui pourrait empêcher Kadhafi de reconquérir Benghazi sans le contraindre à quitter Tripoli. On aurait alors un retour à une partition de fait du pays. Et le ferment d’un long conflit larvé.

Publié dans le dossier
Libye, la guerre du moindre mal
Temps de lecture : 2 minutes