Débat de l’UMP sur l’islam et la laïcité : tout ça pour ça…

Dans une salle garnie pour moitié de journalistes, la convention de l’UMP « Laïcité pour mieux vivre ensemble », plus connue sous le nom de débat sur l’islam, a surtout permis à Jean-François Copé et ses amis d’enfiler les perles. Politis.fr était sur place.

Xavier Frison  • 5 avril 2011
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Débat de l’UMP sur l’islam et la laïcité : tout ça pour ça…
© Photos : Convention de l'UMP, 5 avril 2011 / Xavier Frison

Que le spectacle commence ! Le débat sur l’islam, pardon, la convention UMP « Laïcité pour mieux vivre ensemble » va enfin avoir lieu. Mardi 5 avril, 15h, une cinquantaine de personnes fait le pied de grue devant l’entrée du Pullman hôtel de Montparnasse, dans le XVe arrondissement de Paris. Une longue enfilade de camions de CRS et sa garniture caparaçonnée occupe une rue parallèle. L’ambiance est pourtant loin d’être hostile, entre tailleurs stricts, cheveux grisonnants et complets impeccables. Les portes s’ouvrent sur une salle bien modeste au regard du ramdam provoqué autour du fameux débat. 200 sièges pour l’assistance, une centaine pour les journalistes, qui seront in fine le double selon l’UMP. Entre les participants aux deux tables rondes, les assistants parlementaires, les députés, les sénateurs, les ministres venus faire acte de présence, les fayots en disgrâce (Rachida Dati, Eric Woerth), les militants du parti et la nuée de journalistes, on se demande bien où se cachent les contradicteurs du « débat ». Sans parler du citoyen lambda, tout à fait absent du tableau, au style prononcé de conférence de presse.

Arrivée de rock-star pour Jean-François Copé, arrêté sur le chemin de la gloire par une forêt de micros et caméras. « Ce débat doit avoir lieu , assène le patron de l’UMP. Il est majeur dans notre pays. Il y a un certain nombre de positions courageuses à prendre. » Le secrétaire d’Etat à l’emploi Laurent Wauquiez, un peu moins sollicité, veut « apporter des mesures concrètes » mais ne trempe qu’un orteil dans la marre : « Débattons de laïcité, oui, mais pas que de ça » . Il faut aussi penser à la « gestion des équilibres droits-devoirs » , ou à « la question du plein d’essence » . Pourquoi pas ? Luc Chatel, le ministre de l’Education, est tout près de créer l’événement avec une déclaration fracassante : « Tous les débats sont légitimes, le seul qui ne l’est pas, c’est le débat sur le débat » . Et, bien sûr : « Ce n’est pas un débat sur l’islam, c’est un débat sur les valeurs de la République » .

Ambiance dans le cirque médiatique du débat de l’UMP

Vidéo Erwan Manac’h

Après une introduction poignante, Jean-François Copé relit sa « lettre à un ami musulman », une épreuve dont on retiendra ceci : il faut, mesdames et messieurs, « alléger le fardeau qui pèse sur les musulmans de France » . Copé en a presque les larmes aux yeux. Juste avant de rire jaune. Le premier hic de la convention UMP est à mettre au crédit de Valérie Rosso-Debord, députée de Meurthe-et-Moselle et déléguée générale adjointe de l’UMP. D’un ton décidé, la madame Loyale présente un à un les participants à la première table ronde avant de… sécher sur le premier nom à consonance arabe. Boulette. Le journaliste Farid Hannache, co-auteur du livre « Pour l’islam de France », ne lui en tiendra pas rigueur. Ce sera d’ailleurs le même tarif pour son voisin d’estrade, Joël Mergui, président du Consistoire central de France. Tête de Jean-François Copé, qui s’en sort par une pirouette : « Que voulez-vous, Valérie n’est pas journaliste » . Ce sera le clou des deux premières heures de débat. A moins de vouloir distinguer la pagnolesque histoire de Jean-Claude Gaudin, dont la trame précise nous échappe déjà.

Illustration - Débat de l'UMP sur l'islam et la laïcité : tout ça pour ça...

Dans la foulée de Jean-François Copé, le ministre du Budget François Baroin, en bon premier intervenant, lâche une bombe : « La laïcité c’est une valeur et une règle de même niveau qu’égalité ou fraternité » . Christophe Barbier, le patron de l’Express, décidément dans tous les bons coups, parvient à faire de la retape pour son magazine au cinquième mot prononcé. Pour l’écharpe rouge, « la laïcité c’est contenir la menace intégriste, et protéger les religions contre les autres religions » . Joël Mergui donne le maximum mais ne fait pas beaucoup mieux : « La laïcité, c’est bien vivre en soi pour bien vivre ensemble » .

Luc Chatel, lui, n’y va pas par quatre chemins : « On ne doit pas transiger avec la laïcité » . Bigre. Quand Gilles Bernheim, grand rabbin de France, venu « par principe » , exprime ses réserves sur ce débat, l’atmosphère refroidit légèrement. Son « notre posture est morale et ne peut être politique » génère des applaudissements très mesurés, voire polis. Mais enchaînons, enchaînons, avec Gérard Longuet, pour qui un pouvoir faible « ouvrirait la voie vers tous les extrémismes » . En voilà un qui parle en connaisseur. On passera rapidement sur l’inspiré « les Républicains ont le devoir de débattre » de Farid Hannache ou l’avertissement conditionnel de Laurent Wauquiez – « Ce ne sont pas les religions qui minent la société, ce sont potentiellement les dérives intégristes » -. Car après deux heures de débat, Christophe Barbier est « rassuré » de voir qu’il n’y a « pas de problème de définition de la laïcité. Ne restent que les problèmes concrets. » C’est ça, la beauté de la chose avec l’entre-soi : on est tous d’accord.


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