Le black-out de l’OMS

L’Organisation mondiale de la santé se montre incapable d’informer correctement sur les conséquences sanitaires de Fukushima. Par calcul ou par incompétence ?

Robert James Parsons  • 21 avril 2011 abonné·es

Depuis quatre ans, tous les jours de 8 heure à 18 heures, un petit groupe s’installe devant l’entrée du siège de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève. Membres de Independent WHO (Indépendance pour l’OMS), ils exigent l’annulation du pacte voté en 1959 qui donne à l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) un droit de veto sur toute initiative de l’OMS en matière de santé et de radiations ionisantes.

Les normes d’exposition reflètent cette soumission : basées sur l’explosion des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki, elles ne considèrent que les sources irradiantes externes au corps, et ne disent rien sur les conséquences de la rémanence dans le corps d’atomes radioactifs ingérés ou inhalés. Ce qui permet aux deux organisations de prétendre que Tchernobyl n’a causé qu’une cinquantaine de morts. Et, concernant ­Fukushima, de délivrer des avis occultant systématiquement les risques.

Un exemple ? L’explosion du réacteur 3 de la centrale japonaise, peu après le tsunami, fut attribuée à une accumulation d’hydrogène dans la cuve. La radiation résultante a cependant été détectée sur la côte ouest des États-Unis trois jours après, ce qui signe un passage par le jet-stream, courant d’air très rapide qui circule à 10 000 mètres d’altitude. Selon des spécialistes, seule l’explosion de la piscine de stockage du combustible usagé du réacteur aurait pu délivrer la puissance nécessaire à une telle mise en orbite.
Ce réacteur consomme depuis septembre dernier un combustible particulier, mélange d’uranium et de plutonium (MOX), dont jusqu’à 300 tonnes pourraient s’être volatilisées. Mais l’OMS n’enquête pas sur cette matière, se contentant de relevés sur le césium 137.

Depuis le 11 mars, date du tsunami, on guette en vain des informations pertinentes et utiles de l’OMS lors des points presse organisés par l’Office des Nations unies à Genève. ­Gregory Hartl, le préposé aux catastrophes, reste pour le moins sibyllin. Il a brillé à plusieurs reprises par son absence et, lorsqu’il réapparaît, il n’apporte pas les informations promises. À nos questions concernant les normes de protection, nous n’avons obtenu pour toute réponse que deux pages photocopiées, sans identification de la source, intitulées « Normes de sécurité AIEA », parlant de « contamination superficielle » .

Gregory Hartl répète qu’il n’y a aucun danger pour les personnes vivant au-delà de la zone d’évacuation de 20 kilomètres autour de la centrale. Pourtant, les États-Unis conseillent une zone de 80 kilomètres, tandis que la France a encouragé ses ressortissants à quitter le territoire japonais.Lors d’une conférence de presse avec des spécialistes du ­Centre international de recherche sur le cancer (Circ, à Lyon), Gregory Hartl nous a répondu que « tous les experts sont à Genève » . Et notre demande d’une ­rencontre avec ces derniers n’a, à ce jour, toujours pas abouti.

Lors d’un point presse, peu après le tremblement de terre, Maria Neira, médecin et responsable du département environnement et santé de l’OMS, se ­montre confuse sur les questions touchant aux radiations ionisantes, semble ignorer ce qu’est un curie (ancienne mesure de la radioactivité), ainsi que la différence entre exposition interne et externe.

Plus récemment, durant plus d’une semaine, l’OMS n’a plus tenu de points presse. En résumé, alors que le monde du nucléaire fait face à une catastrophe d’une dimension inconnue, la plus haute instance planétaire en matière de santé publique continue à faire imperturbablement le jeu du lobby nucléaire. La vigie d’Independent WHO a encore de beaux jours devant elle.

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Des vérités cachées
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