DSK, le symbole du social-libéralisme

Quelles que soient les suites de l’affaire, la carrière de DSK semble brisée pour longtemps. Ministre des Finances du gouvernement Jospin, il a incarné le virage social-libéral du PS. Son action au FMI est loin de faire l’unanimité : il a renoué avec la brutalité des plans d’austérité.

Michel Soudais  • 19 mai 2011 abonné·es
DSK, le symbole  du social-libéralisme
© Photo : AFP / Coex

Jusqu’à son arrestation, le 15 mai, à New York, Dominique Strauss-Kahn était, selon les sondages, celui qui avait le plus de chances de représenter le Parti socialiste en 2012. Son éventuelle désignation était redoutée. Un peu dans les rangs socialistes, où l’on connaissait ses positions politiques. Beaucoup dans l’autre gauche, où, à l’instar de Jean-Luc Mélenchon, plusieurs voix avaient averti le PS des difficultés qu’il y aurait à rassembler la gauche si d’aventure le directeur général du FMI devait être son candidat.
L’intéressé lui-même aimait s’afficher en héraut d’une « gauche moderne » totalement acquise à l’économie de marché. La mondialisation est une chance, répétait-il. Et si l’économie doit être régulée, cette régulation doit être mesurée. Ce qui l’a conduit à s’opposer à la taxe Tobin, comme ministre, quand des députés proposaient d’inscrire cette taxe dans la loi de finances 1999, et plus récemment au nom du FMI en l’estimant « tout à fait simpliste » et « très difficile à mettre en œuvre ».

Avant d’être désigné en 2007 à la tête de la plus grande institution financière internationale, DSK a été notamment professeur d’économie. Une part infime de son cours sur les « concepts fondamentaux de l’analyse économique » à Sciences-Po était « consacrée à Keynes (à la sauce néoclassique) » , relevait récemment l’économiste Jean Gadrey, « rien sur Marx, aucune référence aux écoles ­hétérodoxes contemporaines » . Élu député de Sarcelles en 1988, il préside la commission des Finances quand Michel Rocard, Premier ministre, crée l’impôt de solidarité sur la fortune ; il cosigne un amendement ramenant de 80 % à 70 % des ressources d’un ménage le montant de l’ISF et de l’impôt sur le revenu. Ministre de l’Industrie en 1991, il tisse des liens solides avec de grands patrons qu’il côtoie ensuite au sein du Cercle de l’industrie. Battu aux législatives en 1993, il devient avocat d’affaires et négocie notamment l’entrée de la Compagnie générale des eaux (CGE) au sein d’une holding de la Mnef, Raspail participation, prestation qu’il facture 600 000 francs. De nouveau élu en 1997, il devient ministre de l’Économie et des Finances. À ce poste, il supervise des ouvertures de capital comme celle de France Télécom, la privatisation d’entreprises publiques qui n’avaient selon lui plus vocation à rester dans le giron de l’État, et devient pour beaucoup, y compris au sein du PS, le symbole du « social-libéralisme » – lui préfère se dire « social-démocrate ».

À ceux qui lui reprochent cette dérive droitière après la défaite de 2002, DSK réplique que « Keynes a apporté plus à la classe ouvrière que Rosa Luxemburg » . Et prône un réformisme réaliste au sein du PS, sans jamais aller jusqu’à défendre ses orientations dans une motion autonome. Diagnostiquant la fin de l’État providence, il préconise de concentrer les efforts de l’État à résorber les inégalités là où elles se créent, principalement à l’école, substituant l’égalité des chances à l’égalité des droits.

Au lendemain de la défaite de 2007, il appelle encore le PS à « continuer à faire tomber des tabous sur le fond » . L’âge du départ en retraite n’est pas « un dogme » , déclarait-il l’an dernier. La stagnation du niveau de vie en Europe « reflète un choix social conscient de travailler moins » , déplorait-il en remettant en cause implicitement la réduction du temps de travail. De même, après avoir été l’un des premiers à prôner l’adoption du traité constitutionnel européen, il défend la création d’ « une autorité budgétaire centralisée, dotée d’une indépendance politique comparable à celle de la BCE » , qui « établirait le cadre budgétaire de chaque État » . L’ancien ministre savait toutefois conserver juste ce qu’il faut de rhétorique socialiste. Lors du lancement de sa candidature aux primaires, le 28 juin 2006, il s’en était pris « aux patrons qui partent les poches pleines quand les caisses de l’entreprise sont vides   ». Avant de tonner : « Le modèle est donné au sommet de l’État : on peut faire n’importe quoi et ne jamais être puni de rien ! » Une sentence qui résonne étrangement depuis dimanche.

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L'image d'un naufrage
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