Duflot et Mélenchon, 
Premiers ministres


Denis Sieffert  et  Christophe Kantcheff  et  Jean-Claude Renard  • 28 juillet 2011 abonné·es

Illustration - Duflot et Mélenchon, 
Premiers ministres


Du Café de la danse, lieu de concert parisien dont Anémone avait fait son QG du soir parce qu’elle aimait le nom de ce lieu, elle prononça son premier discours de présidente, devant ses supporters ravis et de nombreux journalistes, la plupart encore incrédules de ce qu’ils étaient en train de vivre. Un discours sans effet, sans lyrisme, mais déterminé, responsable, porteur d’espoir et plein de reconnaissance sincère envers ceux qui l’avaient élue. « Vive la République ! Vive nous ! », avait-elle conclu. Au moment de se retirer du pupitre pour aller prendre enfin un peu de repos, elle s’aperçut que Turlutte avait disparu. Il s’était faufilé dans les rangs de la presse et des personnalités des médias, où il était en train de s’acharner sur le bas du pantalon de Philippe Val, qui, en retour, n’osait pas filer de coups de pied au chien de la Présidente.


  • Viens, Turlutte, ce n’est plus la peine, maintenant. Ce gars-là, c’est déjà plus qu’un mauvais souvenir !



Le lendemain, la petite équipe de campagne se retrouva une dernière fois autour d’Anémone pour se dire au revoir et se souhaiter bonne chance. Les jeunes ­comédiennes et comédiens, qui avaient été pendant quelques mois des intermittents de la politique et du spectacle, revenaient à leurs premières amours : le métier d’acteur. Leur collaboration avait été indispensable à l’élection d’Anémone, et Anémone s’était toujours sentie très bien entourée avec eux. Tout le monde était ému, et l’on vit même une larme couler sur la joue de la Présidente.


  • Bon, maintenant on compte sur toi pour que tout change, hein ! lui lança l’un d’eux au moment de se séparer.


  • Vous pouvez, les filles et les gars, vous pouvez ! leur répondit-elle, prête à foncer.



Quelques heures après son investiture, Anémone faisait sensation en nommant deux Premiers ministres : Cécile Duflot et Jean-Luc Mélenchon. Une décision non constitutionnelle mais, justement, on changerait bientôt de Constitution. Cela s’appelait « anticiper ». C’était osé, mais Anémone reprenait pour elle cette fameuse phrase de Danton : « De l’audace, de l’audace, toujours de l’audace ! » 



Les premiers jours du nouveau gouvernement dans les palais de la République (qui furent aussi les derniers, dans la mesure où la Présidente avait décidé de rendre au peuple ces lieux de haute tradition) ont surtout été marqués par le débat sur la réforme fiscale. Les deux Premiers ministres étaient tombés d’accord sur ce point qu’il fallait ouvrir sans attendre ce vaste chantier. À vrai dire, un autre débat, moins glorieux, mais hélas inévitable, occupa les esprits : le partage des bureaux entre les membres du gouvernement. La décision de la Présidente Anémone n’avait pas facilité les choses. C’est un truisme de le dire, mais les batailles d’ego ne sont pas l’apanage de la droite. Après quelques escarmouches, on jugea plus sage de conserver deux bâtiments officiels : Matignon et le Quai d’Orsay. « On ne déplace pas le quai d’Orsay », avait ironisé Mélenchon.


On décida donc d’investir entièrement Matignon. Ainsi, l’hôtel Grimaldi, lointaine propriété de la famille de Monaco, abrita pas moins de dix ministères. Certains ministres durent se résoudre à cohabiter à deux dans le même bureau. Malgré cela, le lieu était très convoité. Il fut en effet convenu que les autres seraient décentralisés dans de modestes bureaux des XIXe et XXe arrondissements, jusqu’à Pantin, où siégeaient Jacques Généreux et Pierre Larrouturou (Économie et Temps de travail), à Saint-Denis, où s’installerait Patrick Braouezec, ministre des Sports, et à Montreuil, où allait siéger la ministre de la Décentralisation et des Collectivités locales, Dominique Voynet. 


Ces deux derniers n’étaient pas en terre inconnue. « La lutte de places », comme on se plaisait à l’appeler dans les couloirs, fut finalement résolue sans trop d’éclats de voix. Même si les deux Premiers ministres ont dû parfois intervenir pour arbitrer les différends avant qu’ils fassent les choux gras du Canard enchaîné. Les conflits de territoires n’allaient pas tarder à se rallumer avec le projet de Loi de finances 2013, qui occupa une bonne partie de l’été. Il y eut des vainqueurs. Ceux dont les portefeuilles correspondaient à des grands engagements de principe du gouvernement. Marie-George Buffet, ministre de l’Éducation nationale, Yves Cochet au ministère des Énergies alternatives, Alain Lipietz à la Recherche n’ont évidemment pas eu à se plaindre.

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