La rentrée chaotique de l’UMP

L’unité affichée par le parti de la majorité à la tribune de son campus à Marseille n’est pas parvenue à cacher les divisions qui minent le camp présidentiel.

Michel Soudais  • 8 septembre 2011 abonné·es
La rentrée chaotique de l’UMP
© Photo : M. soudais

François Fillon et Jean-François Copé côte à côte, entourés de l’ensemble des ministres du gouvernement. L’image finale du campus de l’UMP, dimanche, à Marseille, en présence d’un peu plus de 3 000 militants survoltés, pouvait être trompeuse. Même le Figaro ne s’y est pas laissé prendre : « 2012 oblige, le Premier ministre et le patron du parti majoritaire ont mis en scène leur rapprochement de façade », titrait lundi le quotidien de Serge Dassault. Du reste, si François Fillon a éprouvé le besoin, à la fin de son discours, de demander à toutes les composantes de l’UMP de prendre « trois engagements » —  « rester unis autour du président de la République », « porter haut nos valeurs et défendre notre action », « continuer à bâtir notre projet parce qu’il n’y a pas de victoire électorale sans domination intellectuelle »  –, c’est bien parce que cela n’allait pas de soi. 


À quelques mois de l’élection capitale, l’équipe dirigeante de l’UMP a voulu faire de ce campus — c’est le nom donné à son université d’été — « le coup d’envoi de la campagne présidentielle ». « Un combat que nous allons mener ensemble avec un seul objectif, la victoire de Nicolas Sarkozy en mai prochain », a rappelé en ouverture des travaux Jean-François Copé. Aux « bagarres de La Rochelle », le patron du parti présidentiel voulait opposer « l’unité de Marseille ». Pour enfoncer le clou, ses équipes avaient conçu un petit clip, projeté à plusieurs reprises, montrant que l’université d’été du PS n’était rien d’autre que « le réceptacle de six mois durant lesquels l’ensemble des responsables socialistes se sont copieusement insultés ». Mais à l’heure où s’ouvrait le rassemblement, deux voix discordantes gâchaient déjà la fête.

Jean-Pierre Raffarin tout d’abord. L’ancien Premier ministre, furieux que ses déclarations contre la proposition du gouvernement d’augmenter la TVA sur les parcs de loisirs aient été jugées « irresponsables » par le chef de l’État, venait de poser une sorte d’ultimatum sur son blog : « Les déclarations brutales à mon endroit, en mon absence, de Nicolas Sarkozy au cours du petit-déjeuner de la majorité, sont surprenantes et méritent clarification. D’ici là, je me place en congé de cette instance. » Patrick Devedjian, ensuite. Dans un entretien au Monde, le président du conseil général des Hauts-de-Seine assurait que « la situation actuelle exige un grand projet de société ». L’ancien secrétaire général de l’UMP ajoutait : « Je ne le vois encore nulle part. »


Pendant que Jean-François Copé et ses amis minimisent ces critiques, arguant qu’il « n’imagine pas qu’un grand parti moderne en 2011 puisse interdire le débat et les discussions de fond », Lionnel Luca, qui vient d’arriver sur l’esplanade du parc Chanot, souffle sur les braises. Le député des Alpes-Maritimes, chemisette ouverte laissant apparaître une chaîne en or où pendent une croix catholique et une croix de Lorraine, fait le show : « Quand on a été Premier ministre et qu’on n’est pas président de la République, c’est qu’on est un has been », répète-t-il en boucle devant micros et caméras. « Raffarin et Devedjian, c’est le club des aigris. » « Tous ceux qui nous entourent sont des invertébrés, je ne voudrais pas que l’UMP soit l’union des mollusques », poursuit ce membre de la Droite populaire qui récuse être le chef de ce groupe d’élus. « On n’a pas voulu de chef, on est des anarchistes de droite. »  Au passage, il s’en prend à ceux qui leur ont reproché d’avoir organisé en début d’été « un apéro saucisson-pinard » à l’Assemblée, suggérant qu’ils préfèrent peut-être « le pétard-kebab ». Ambiance. Quelques minutes plus tard, le même Lionnel Luca qui participe à la tribune à une table ronde sur « les valeurs de l’UMP », assure pourtant qu’il n’y a « pas de courants comme au PS » au sein de l’UMP. « On a tous les mêmes valeurs, simplement on accentue plus d’un côté ou de l’autre, mais on est tous sur la même longueur d’onde. »


Si l’absence de courants reste à prouver, dans un parti né il y a neuf ans du rassemblement de plusieurs formations de droite, incarnant les sensibilités gaullistes, conservatrices, libérales et radicales, les fan-clubs, eux, ne se cachent pas. Les Jeunes Pop’, qui constituent le plus gros des troupes présentes — l’inscription comprenant le transport, l’hébergement et les repas leur était offerte à 50 euros –, déambulent vêtus de tee-shirts régionaux ou départementaux — vert pour l’Aisne, bleu pour les Bouches-du-Rhône, orange pour les Alpes-Maritimes… — affichant le nom de leurs champions locaux. Xavier Bertrand, Renaud Muselier, Christian Estrosi, Jean-François Copé, François Fillon, Valérie Pécresse… ont ainsi leur claque qui les accueille et les accompagne dans le grand hall des expositions en scandant bruyamment leur prénom, sans égard pour les orateurs. Donnant l’impression d’un mouvement composé de multiples féodalités rivales.


Dans un tel morcellement, toute synthèse est délicate. Périlleuse même. Pour s’être risqué à dévoiler dans l’Express deux pistes du programme qu’il est chargé de piloter — la fiscalisation des allocations familiales et la réduction de l’indemnisation du chômage des cadres –, Bruno Le Maire a ramassé une brouette de critiques. Aussi, samedi après-midi, quand il monte à la tribune pour présenter « un rapport d’étape » de ses travaux, c’est un discours de campagne que délivre le ministre de l’Agriculture. De quoi galvaniser les troupes avec une première partie assez sociale où il juge « injuste que les dirigeants augmentent leurs rémunérations quand celles des ouvriers n’augmentent pas », et une autre clairement destinée à séduire l’électorat traditionnel de la droite. Avec cette saillie sur l’immigration : « On ne vient pas en France comme dans un supermarché, où tout serait gratuit. » Peu loquace sur le « projet à zéro euro » qu’il prépare, le ministre est plus prolixe pour dénoncer le programme des socialistes, ses 300 000 emplois jeunes, le retour de l’âge de la retraite à 60 ans, le refus de voter la règle d’or… Succès garanti.


L’UMP n’a pas encore de programme mais a déjà son candidat. Il ne s’est pas encore déclaré, mais c’est pour lui que tous les dirigeants ont invité durant le week-end les militants à faire campagne. La dernière affiche du mouvement montre ainsi Nicolas Sarkozy dans une foule avec cette inscription : « La République qui agit, la République qui protège. » Un message repris d’un des slogans du… PS. « La gauche qui agit, la gauche qui protège », c’était le thème de la campagne socialiste aux législatives de 2007. Le PS, défait à la présidentielle dans « une élection imperdable », se battait alors dos au mur. Une position qui semble bien être aujourd’hui celle de l’UMP.

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