L’Ethnicisation de la France

Olivier Doubre  • 22 septembre 2011 abonné·es

L’Ethnicisation 
de la France, 
 Jean-Loup Amselle, Lignes, 144 p., 14 euros.
On a connu Jean-Loup Amselle plus prudent. Son avant-dernier livre, l’Occident décroché. Enquête sur les postcolonialismes (Stock, 2008), entamait une critique certes parfois vive des études postcoloniales, mais arguait que le passé colonial ne pouvait servir de grille de lecture unique pour expliquer la situation et les difficultés des sociétés.

Aujourd’hui, dans un petit essai où il revendique au passage son « retour au marxisme », l’anthropologue met en garde contre l’actuelle « ethnicisation » de la France, due à une alliance contre-nature entre une gauche déconstructrice postcoloniale et une extrême droite dont les idées sont présentes au sein du pouvoir sarkozyste. Pour lui, les défenseurs du multiculturalisme ou ceux qui revendiquent la mise en place des « statistiques de la diversité » feraient le jeu du FN en militant pour la « reconnaissance de l’ethnicité, de la race, des minorités visibles ». Rien que cela !


L’auteur accuse cette « partie de la gauche » qui, en osant déconstruire les « grands récits issus des Lumières — le récit républicain et le récit de la lutte des classes », seuls valables à ses yeux, « conforter [ait] par une sorte d’effet boomerang l’identité nationale “blanche” catholique dominante », mais aussi « l’individualisme » et « l’idéologie néolibérale »  ! Et de s’en prendre même, pour avoir critiqué l’universalisme républicain à la française, à Aimé Césaire, à Frantz Fanon ou à Édouard Glissant !
Pourtant, les idéaux de la République, le matérialisme historique et le rôle de la lutte des classes ne semblent pas suffire aujourd’hui — nombre de travaux de sciences sociales l’ont montré — à appréhender les dynamiques et les relations complexes des sociétés contemporaines, et — n’en déplaise à M. Amselle — sans conteste multiculturelles. Mieux vaudrait conjuguer les approches — ce qui nous éviterait de retomber dans un semblant de « science prolétarienne » dont on n’a que trop connu les errements…

Idées
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