Libres enfants d’Hérouville

En Basse-Normandie, un collège-lycée expérimental s’appuie sur des pédagogies alternatives pour réconcilier les élèves avec l’école. Une scolarité heureuse, ça existe. Reportage.

Manon Loubet  • 29 septembre 2011 abonné·es
Libres enfants d’Hérouville
© Photo : AFP

Une dizaine d’enfants issus de plusieurs classes de cinquième sont assis en rond autour de Virginie, professeure d’éducation sportive et tutrice du groupe. C’est la rentrée au collège-lycée expérimental (CLE) d’Hérouville-Saint-Clair (Basse-Normandie). « Quelles sont les règles à la cantine ? » , demande la prof. Les élèves répondent à tour de rôle : « Il ne faut pas gaspiller la nourriture » , ose une petite. « Tu as raison, mais encore ? » , poursuit Virginie. « Heu… se laver les mains avant de manger ! » , ajoute un ado.

Tous les vendredis, ils se retrouvent pour un bilan de la semaine écoulée et discuter « du fonctionnement de l’établissement, des problèmes éventuels, des résultats de chacun… » , explique Fabien Tesson, professeur d’histoire-­géographie. Une fois toutes les deux semaines, chaque élève a un rendez-vous personnel avec son tuteur.

« Ici, on a une relation un peu exceptionnelle avec les professeurs. On peut les tutoyer et les appeler par leur prénom » , s’étonne Pablo, 11 ans. Les élèves du collège et du lycée tissent également des relations grâce au temps d’aide au travail. « Des lycéens volontaires viennent nous aider deux fois par semaine » , explique Pablo. « C’est un moyen de valoriser les lycéens, et de leur faire découvrir notre métier » , assure Fabien Tesson. Avant le repas, temps libre, comme dans les autres établissements. Deux gamines : « À quelle heure on mange ? » Loan, professeur d’anglais : « Au CLE, pas de sonnerie, c’est pour vous responsabiliser ! »

À partir de 14 heures, il n’y a plus de cours en classe. Au CLE, le temps d’enseignement est réduit de 25 % par rapport aux établissements classiques. L’après-midi est occupé par des activités différentes, « qui ne sont pas des temps de non-travail » , précise Fabien Tesson. Le lundi, ateliers culturels : « Musique, théâtre, arts plastiques, mais aussi slam, cours de cinéma… » Le matin, il enseigne l’histoire et l’après-midi la musique ! Les mardi et jeudi après-midi, ce sont « les aides au travail ». De temps en temps, « les matières se décloisonnent » : un cours d’histoiresera orchestré par les profs de musique, d’arts plastiques ou de français !

Ces méthodes sont inspirées, entre autres, de la pédagogie de Célestin Freinet (voir encadré), qui met l’élève au centre du système. Sur les quatre lycées publics expérimentaux mis en place en 1982 (Oléron, Saint-Nazaire, Paris), le CLE d’Hérouville-Saint-Clair est le seul « tout public ». « Les autres s’adressent surtout aux élèves en difficulté. »

Au CLE, le recrutement se fait sur dossier scolaire. « On accepte une candidature sur deux, on ne peut pas accueillir plus de 360 élèves. On essaye de sélectionner 25 % d’enfants en difficulté, 25 % de bons et 50 % d’élèves moyens , insiste Fabien Tesson. Nous recevons pas mal d’élèves qui ont décroché. Avec nos méthodes, certains arrivent à reprendre le chemin de l’école. »

Le CLE est une antenne du lycée Augustin-Fresnel de Caen. L’établissement dépend de l’Éducation nationale, mais les professeurs doivent postuler pour y travailler. « Ils sont sélectionnés par l’équipe déjà en place. » La direction est élue pour deux ans par l’équipe pédagogique, « et le chargé de direction conserve des heures de cours. C’est très important qu’il garde un pied dans le métier » . Le CLE prépare au brevet des collèges et au baccalauréat comme tous les établissements scolaires. Le taux de réussite au baccalauréat 2010 était de 72 %. « L’examen est important, mais si l’un de nos élèves part faire une formation qui lui convient mieux, c’est aussi une réussite ! » , conclut Fabien Tesson.

Société
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