Je n’irai pas à Durban

La conférence sur le climat de Durban se tiendra en Afrique du Sud, du 28 novembre au 9 décembre. Familier de ces grandes réunions internationales depuis 1972, Claude-Marie Vadrot explique pourquoi il passera son tour.

Claude-Marie Vadrot  • 9 octobre 2011
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Je n’irai pas à Durban
© Photo : ATTILA KISBENEDEK / AFP

À Kyoto, en 1997, de nombreux journalistes et observateurs pouvaient déjà pressentir que la signature des Etats-Unis et de ses vassaux ne seraient pas suivie d’une ratification d’un traité sur le climat. Mais l’espoir de juguler des modifications climatiques encore contestées par beaucoup de politiques prenait corps. Le protocole de Kyoto, bien qu’entré en vigueur seulement en 2005, avait valeur de promesse, plus de 20 ans après la conférence des Nations Unies sur l’environnement de Stockholm de 1972. Celle-ci avait pour la première fois évoqué un dérèglement du climat lié aux activités humaines, cinq ans après le sommet de Rio qui avait relancé l’exigence de précaution alors que le GIEC travaillait aux mesures et aux preuves depuis 1988.

Il y eut ensuite, dans le désordre, Bali, les couloirs fiévreusement arpentés par Dominique Voynet à La Haye pour arracher quelques bribes de certitudes vite démenties, Genève… Et Copenhague (voir notre blog de l’événement), où la mobilisation citoyenne fut inversement proportionnelle à la médiocrité des résultats liés aux attaques ignominieuses contre le GIEC lâchement endossées par les chefs d’Etat accourus pour des besoins de communication. Un échec qui, nous promettaient les Obama, Sarkozy et d’autres, n’était que provisoire et serait compensé l’année suivante.

Voilà donc Cancun, Mexique. A l’écart d’un énorme village vacances, symbole de tous les gaspillages énergétiques, la conférence mexicaine avait soigneusement exilé les contestataires à 30 kilomètres à la ronde. Le raout s’enlisa en faux-semblants et mensonges, guidé par des négociateurs déboussolés, réfugiés dans un immense hôtel de luxe transformé en forteresse.À peine la rencontre planétaire avortée, les voix des puissants impuissants clamèrent qu’à Durban, l’année suivante, on allait voir ce qu’on allait voir pour ce qui serait la 17e conférence mondiale sur le climat.

À Panama, où les négociateurs se sont réunis du 1er au 7 octobre, la négociation climatique a sombré dans le coma politique, alors que les prescriptions non respectées du protocole de Kyoto expirent à la fin de l’année.

La négociation climatique est sous perfusion et les plénipotentiaires s’exercent, sans espoir, à l’acharnement thérapeutique. Plus personne ne croit possible de bousculer l’égoïsme des uns et le cynisme des autres. À la grande joie des climatosceptiques de tous pays, l’échec est annoncé en dépit des paroles pseudo-rassurantes des uns et de tous les autres. Le réchauffement climatique est désormais accepté, avec toutes ses conséquences sur les populations, la faune et la flore, comme une fatalité que nul ne peut remettre en cause. Même pas les peuples qui en sont victimes comme, par exemple, les Somaliens chassés de leurs terres par une terrible sécheresse.

Les plus grands pollueurs en gaz de serre jouent désormais à qui perd gagne, chacun espérant, pour satisfaire son opinion publique, que la conférence du mois de décembre permettra de désigner quelques coupables : les autres, bien sûr. Alors, familier des couloirs de conférences depuis 1972, je n’irais pas à Durban. Parce que, cette fois, je ne crois plus à un sursaut, non pas de sagesse, mais au minimum d’instinct de survie.

C’est fini. Il nous faut nous débrouiller avec l’inéluctable désordre climatique annoncé en remerciant les scientifiques du GIEC qui auront tout fait pour nous alerter. Non pas avec des mots et des promesses mais avec des chiffres et des mesures. Comme celles qui annoncent la fin de la banquise arctique estivale pour 2016…

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes
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