Sécuritaire et tout-carcéral condamnés à l’échec

Évelyne Sire-Marin  et  Isabelle potel  • 17 novembre 2011 abonné·es

cinquante-sept prisons ouvertes depuis vingt ans en France, 74 000 détenus, 5 500 lieux d’enfermement (prisons, hôpitaux psychiatriques, centres de rétention, locaux de garde à vue). Jusqu’où va-t-on aller ? Cette situation est d’autant plus dommageable que la politique sécuritaire intensive est un échec, quoi qu’en dise Brise Hortefeux, qui, le 21 janvier 2011, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, annonçait un recul de 2,1 % de la délinquance en 2010 par rapport à 2009, soit une baisse continue depuis huit ans. Des chiffres biaisés, « qui correspondent peu ou prou aux objectifs fixés par le ministère » , selon le sociologue Laurent Mucchielli.

De fait, Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, vient d’affecter 4 000 policiers et gendarmes supplémentaires sur le terrain pour lutter contre les cambriolages, en ­recrudescence depuis 2009. Les violences aux personnes sont également en hausse, et ont été classées priorité 2011 avec la lutte contre la drogue. Quant aux chiffres des infractions à la loi sur l’immigration, elles servent des fins idéologiques, comme cette statistique publiée par Nicolas Sarkozy signalant que la délinquance « générée par les ressortissants roumains » en région parisienne aurait augmenté de 72,4 % au premier semestre 2011.

Il est urgent de sortir de cette fuite en avant sécuritaire, manifestement inefficace. Il faut notamment en finir avec la chasse aux sans-papiers, qui n’ont pas leur place en prison. Le séjour irrégulier sur le sol français ne doit plus être une infraction : c’est un problème administratif et non judiciaire. La durée des détentions provisoires, actuellement de 2 ans pour les délits et de 4 ans pour les crimes, doit être réduite de moitié, et les peines d’emprisonnement de moins d’un an transformées en peines alternatives à l’incarcération, comme le travail d’intérêt général, car la prison est l’école de la récidive. Comme l’a montré l’affaire de Pornic, les services d’insertion et de probation n’ont pas les moyens de suivre les condamnés (à Paris, les juges de l’application des peines ont 1 300 dossiers chacun). Le budget destiné à la création de nouvelles places de prison devrait être transféré à l’exécution des peines en milieu ouvert. Ce qui suppose d’instaurer un numerus clausus correspondant au nombre de places existantes (57 000) et de n’incarcérer aucune nouvelle personne si une place ne se libère pas.

Pour que la justice puisse juger correctement, il faut doubler le nombre des magistrats et des greffiers, et limiter drastiquement les comparutions immédiates qui distribuent à la chaîne des peines de prison ferme.

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