Écologie politique dans les choux ?

La plupart des candidats n’accordent qu’une portion congrue aux thèmes verts. Cette mise à mal est-elle durable ou conjoncturelle ?

Olivier Doubre  • 2 février 2012 abonné·es

Le discours du Bourget prononcé dimanche 22 janvier par François Hollande avait des accents mitterrandiens assumés. Son contenu, surtout, renouait volontiers, pour une bonne part, avec ce que l’on a souvent appelé la « première gauche » , pétrie d’idéologie productiviste et de progrès. Son volontarisme pour relocaliser un outil industriel exilé sous de lointaines latitudes faisait écho au « produire français » , vieux slogan du PCF des années 1970, repris aujourd’hui aussi bien par Jean-Luc Mélenchon que par François Bayrou – avec son « produire en France » lancé à Annecy, en dépit de son Audi allemande… Nicolas Sarkozy, on le sait, n’est pas, lui non plus, en reste sur ce thème. Alors, quid dans cette campagne présidentielle – à trois mois de l’échéance – de l’écologie politique ? Quid du développement durable, de la « sobriété énergétique » , de l’abandon de l’énergie nucléaire ou du réchauffement climatique ? Des questions, déjà au rabais dans l’accord entre Europe Écologie-Les Verts (EELV) et le Parti socialiste pour les prochaines législatives, qui ont quasi disparu des « 60 engagements pour la France » du candidat Hollande.

Certes, est bien annoncée une modeste « réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025 » . Certes, est promis le démantèlement – le seul pendant la mandature – de la centrale de Fessenheim (Alsace), la plus ancienne et la plus inquiétante du parc nucléaire français, construite sur une faille sismique. Une promesse toutefois contrebalancée par « l’achèvement du chantier de Flamanville (EPR) » . Enfin, outre « l’isolation thermique de qualité des logements » , on note le projet de faire adopter une « contribution climat-énergie aux frontières de l’Europe » par les 26 autres États membres, ce qui n’est pas gagné ! On peut donc, comme le politologue Daniel Boy, spécialiste de l’écologie politique au Cevipof, considérer que le programme du candidat PS « ressemble à un quasi-désert en termes de propositions écologiques » .

L’écologie politique semble donc avoir perdu une bataille. Doit-on parler, en cette campagne présidentielle, d’un reflux conjoncturel ou d’une véritable défaite culturelle ? Daniel Boy répond sans hésitation : « Les deux, sans doute » , ajoutant que le programme de François Hollande n’est « pas vraiment un retour à la première gauche : il semble plutôt que la conversion n’ait jamais vraiment eu lieu » .

Fondateur des Verts en 1984 et député européen de 1999 à 2009, Alain Lipietz, « un peu déprimé par le reflux du message » , déplore en tout cas « l’imperméabilité radicale de François Hollande sur l’écologie » . Et admet volontiers « le recul actuel de l’hégémonie culturelle » de l’écologie politique, laquelle avait été observée lors des élections européennes de juin 2009, quand le nombre de députés verts européens avait presque doublé. « Pourquoi une telle défaite en à peine trois ans, alors qu’une étude de l’OFCE et de l’Ademe, publiée il y a quelques semaines, montre que la solution de la crise écologique permet celle de la crise de l’emploi ? Avec une réduction de 33 % des émissions carboniques et une taxe carbone appropriée, on arrive à réduire l’endettement de façon conséquente dès 2014 et à créer plus de 400 000 emplois à l’horizon 2015, et 1,1 million à l’horizon 2020. Pourtant, on ne parvient pas, dans cette campagne, à faire passer cette idée fondamentale, qui devrait toucher les gens, que les sorties des deux crises, économique et écologique, sont intimement liées. »

Le discours apparaît sans doute compliqué. Alain Lipietz ne se cache pas que les difficultés de la campagne EELV sont également liées à la candidate Eva Joly –  « dont le français n’est pas la langue maternelle, ce qui pose certains problèmes dans une campagne très “com” » . Même si c’est « un problème que nous avons décidé d’assumer dès le départ » et qu’Eva Joly est une figure extrêmement respectée par le public, il y a un problème dans la conduite de sa campagne, « avec un poids donné par la direction du parti à l’accord avec le PS, sur lequel elle n’a pas eu grand-chose à dire »

Ayant quitté les Verts en 2007 pour rejoindre le Mouvement démocrate de François Bayrou, le député européen Jean-Luc Bennahmias, qui a jadis dirigé l’appareil du parti écologiste, affirme que le choix de la candidate EELV est « une vraie erreur de casting » . Même s’il sait que, de toute façon, l’élection présidentielle, « qui recueille environ 85 % de votants, est toujours un scrutin très difficile pour les écologistes » . En revanche, il dément l’idée d’une « défaite culturelle de l’écologie politique » , lançant à ses anciens camarades de parti : « Qu’ils ne s’inquiètent pas, ils feront beaucoup mieux aux prochaines municipales ! »

Selon le vice-président du MoDem, une « majorité culturelle, au sens gramscien du terme » , existe bel et bien depuis une trentaine d’années en France en faveur de l’écologie. Si défaite il peut y avoir, elle n’est que « conjoncturelle » . L’important, selon lui, réside dans l’influence grandissante des écologistes dans la société et particulièrement au sein des partis politiques : « Ce qui compte d’abord, c’est cette pollinisation de militants convaincus par l’écologie au sein des formations politiques. » Pollinisation qui ne pèse pourtant pas beaucoup sur les divers candidats en tout cas…

Idées
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