Le juge Garzón condamné
Lui interdisant d’exercer pendant onze ans, la justice espagnole bloque le travail du magistrat sur les atrocités franquistes.
dans l’hebdo N° 1190 Acheter ce numéro
Le verdict est tombé. Lourdement. Après deux semaines d’audience, ce jeudi 9 février, le Tribunal suprême espagnol a condamné le juge Baltasar Garzón, âgé de 56 ans, à onze années d’interdiction d’exercer son métier pour une affaire d’écoutes illégales, un « abus de pouvoir » violant les droits de la défense dans une enquête articulée autour d’un réseau de corruption qui touchait la droite espagnole, en 2009.
Ce lundi 13 février, le même Tribunal a décidé de classer une autre affaire impliquant le juge, cette fois pour « corruption passive » . Une sombre histoire de conférences sur le terrorisme que le magistrat avait données à New York, en 2005 et 2006, rétribuées notamment par la banque Santander, avant de classer sans suite une plainte contre cette même banque. Pour cette affaire, la justice espagnole a décidé qu’ « il n’y a pas lieu à un procès » , pour cause de prescription.
Baltazar Garzón est d’abord connu pour avoir ordonné un mandat d’arrêt contre Augusto Pinochet, en 1998, et jugé des militaires de la dictature argentine. À côté des casseroles déjà évoquées, le Tribunal a mis en délibéré une troisième affaire Garzón, sur laquelle pèse de tout son poids cette interdiction d’exercer de onze années. Le magistrat est accusé par deux organisations d’extrême droite d’avoir enfreint la loi d’amnistie votée en 1977, en ayant reçu les plaintes, en octobre 2008, de 22 associations de victimes de la guerre civile (1936-1939) et de la dictature franquiste (1939-1975). Une enquête sur 114 000 disparitions, dans un contexte qualifié de « crimes contre l’humanité ». Quelques semaines plus tard, il donnait la possibilité aux tribunaux de province de faire ouvrir les fosses communes.
Une instruction qui vaut au juge la haine des milieux conservateurs mais offre à des milliers de familles l’espoir de connaître le sort de leurs proches. De nombreux témoins ont apporté leur soutien au magistrat, et fait en même temps revivre les exactions des phalangistes.
À l’annonce du verdict qui interdit maintenant au juge de poursuivre son enquête, les associations ont dénoncé l’incapacité de l’Espagne à affronter son passé, non sans évoquer l’idée d’un complot contre le juge mêlant l’extrême droite et les conservateurs. Si le verdict est sans appel en Espagne, il reste à Baltazar Garzón un recours auprès de la justice internationale.