Pendant ce temps-là, à Rouen…

Dans l’ombre de l’annonce de Nicolas Sarkozy, le candidat socialiste donnait mercredi soir son deuxième grand meeting dans sa région natale. Reportage.

Erwan Manac'h  • 16 février 2012
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Pendant ce temps-là, à Rouen…
Photo : KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Illustration - Pendant ce temps-là, à Rouen...

«  Ce soir, c’est un défi , prévient Maryse du haut de ses 22 ans de militantisme au PS. C’est le second grand meeting de François et Sarkozy a programmé son annonce pour nous court-circuiter ! » Mercredi 15 février peu après 18 heures, environ 10 000 personnes -d’après les organisateurs- sont venues écouter le candidat socialiste au Zénith de Rouen. Au cours d’un meeting tenu dans l’ombre de l’annonce de candidature du président sortant, on attendait quelques phrases fortes ou des annonces stratégiques. Hollande a surtout parlé de rigueur budgétaire.

Le candidat socialiste qui retournait dans sa Normandie natale pour son deuxième grand meeting après celui du Bourget, le 22 janvier, a égrené son programme de «  redressement de la France » et des finances publiques. «  Il faudra 500 millions d’euros par jour pour rembourser les dettes creusées par Sarkozy , lance Laurent Fabius dans le rôle du chauffeur de salle. Nous devrons adopter, dans la foulée [des législatives] une loi de finance rectificative pour supprimer les privilèges exorbitants » et redresser les comptes de l’État.

Deux jours après ses déclarations «  rassurantes » envers le monde de la finance, dans une interview au quotidien anglais The Guardian , François Hollande a débuté son discours dans la peau du pourfendeur des marchés : «  Le redressement ne sera possible que si la finance est dominée, lance-t-il d’une voix rauque. « E lle a pris le contrôle de l’économie, de la société et de nos vies » . Dans une invective contre la «  pluie de référendum s » promise par le «  candidat sortant » , quelques minutes plus tard, le candidat du PS se montre sous un jour moins subversif : « P a s besoin de faire un référendum sur la règle d’or, car nous prendrons des engagements et nous les tiendrons » .

« Ce n’est pas un bilan, c’est un fiasco »

François Hollande, qui a jusqu’ici ostensiblement évité de prononcer le nom du président sortant, amuse son public en moquant un « p résident-candidat devenu candidat-président » . Il offre aussi au parterre de sympathisants -et de journalistes- une sélection de petite phrases calibrées pour les journaux télévisés, qui débutent au même moment : «  Sarkozy présente sa candidature, il aurait mieux fait de présenter ses excuses », lance-t-il, faisant sienne une saillie de François Mitterrand contre Valéry Giscard d’Estaing. «  Ce quinquennat avait commencé par un bouclier, il s’achève sur une massue, celle de la TVA » , déclame-t-il aussi. Puis il harangue : «  Ce n’est pas un bilan, c’est un fiasco ! »

La République et ses valeurs

Dans une introduction sur l’économie et la production articulée autour de la «  banque publique d’investissement » qu’il souhaite créer, le président du Conseil général de Corrèze plaide pour une «  réciprocité des échanges » . Il souhaite imposer aux pays qui importent en Europe les «  règles sanitaires, environnementales et sociales que nous imposons à nos entreprises » . Rappelant sa proposition de limiter les écarts de salaires de 1 à 20 dans les entreprises publiques, il se prononce pour la participation des salariés dans les «  comités de rémunération » qui fixeraient les revenus dans les entreprises privées.

Applaudi en fin de discours sur «  la République et ses valeurs » qui «  accueille et rassemble » , il propose un renforcement des droits du parlement et l’interdiction du cumul des mandats. Insistant sur la «  justice » , il réaffirme son attachement à la sécurité et à l’éducation avant de défendre l’inscription de la loi de 1905 dans la Constitution pour lutter «  contre toutes les dérives communautaires ».

« Professionnel de la politique »

Dans la foule attentive qui compte 2 500 sympathisants placés dans une seconde salle pour suivre le meeting sur des écrans géants, on est loin du culte de la personnalité : «  J’adore l’histoire et je trouve que c’est un moment important , commente Yvon, enseignant dieppois à la retraite, épuisé par cinq ans de sarkozysme. Mais je garde mon esprit critique et j’ai quelques déceptions , précise le «  sympathisant » qui se dit «  pas très politisé ». Le 22 avril, mon vote Hollande sera un vote utile contre Sarkozy (…) qui a mis un coup sur la tête des enseignants. »

«  Il n’y a pas le même élan qu’en 1981 , débriefent de concert Paul-Henri et Martine, militants socialistes à Notre-Dame-de-Bondeville (Seine-Maritimes). Hollande veut être crédible. Il y a surtout l’expérience du pouvoir et la crise qui imposent une gravité » dans les discours.

Au pied de l’estrade, la jeunesse porte-drapeau forme un corridor pour l’entrée du candidat. «  Nous sommes des militants avant tout, alors on fait campagne » , explique Sébastien, 20 ans, venu avec le MJS (Mouvement des jeunes socialistes) dans un des deux cars affrétés des Yvelines. Le jeune socialiste cite Benoît Hamon et se dit attaché aux idées de la gauche du PS. «  Mais nous sommes un parti d’union de la gauche, explique-t-il pour justifier son engagement auprès d’un candidat « social démocrate ». Dans la tête des gens, la gauche c’est le PS » . «  Hollande est un professionnel de la politique , se rassure aussi Martine. I l arrive à donner une vision et de la grandeur aux idées socialistes.  »

  • L’entrée du candidat :

De notre envoyé spécial, Erwan Manac’h

Politique
Temps de lecture : 5 minutes
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