Quel avenir pour le Front de gauche ?
La coalition composée de sept formations et conduite par Jean-Luc Mélenchon doit se préparer aux législatives et assurer sa pérennité.
dans l’hebdo N° 1200 Acheter ce numéro
Le Front de gauche réfléchit à son avenir. Les discussions, entamées en marge de la campagne présidentielle, sont déjà dans tous les esprits. L’enjeu est triple. Il s’agit de pérenniser une alliance électorale qui s’est fortement élargie ces derniers mois, d’accueillir de nouveaux militants organisés ou non, et de transformer l’essai de la présidentielle aux législatives. Si ce dernier objectif mobilise déjà les énergies militantes, toutes ces questions figurent à l’ordre du jour des réunions internes de chacune des sept formations qui composent le Front de gauche. Mercredi, le PCF réunissait son conseil national. Samedi, ce sera au tour du Parti de gauche de réunir le sien. La Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase) a mis en circulation fin mars un texte sur sa manière de voir l’avenir, en prévision de son collectif d’animation national des 12 et 13 mai.
Pour l’heure, les animateurs du Front de gauche doivent surtout regonfler le moral des troupes. Dimanche soir, l’ambiance n’était pas à l’euphorie, place Stalingrad, où Jean-Luc Mélenchon avait organisé sa soirée électorale en plein air. La faute aux sondages et à l’espoir qu’ils ont fait naître d’un score plus important. La faute aussi au pari manqué de doubler Marine Le Pen. Les porte-parole de la campagne ont eu un peu de mal à faire valoir que les 11,10 % obtenus par Jean-Luc Mélenchon constituaient un bon score. Il est pourtant « exceptionnel et prometteur », assure l’historien communiste Roger Martelli, dans une note diffusée lundi. « Depuis Georges Marchais en 1981, souligne-t-il, aucun candidat à la gauche du PS n’avait obtenu le mythique “score à deux chiffres” », dont le Front de gauche avait fait son objectif au démarrage de la campagne, quand les instituts de sondage créditaient Jean-Luc Mélenchon de 3 à 5 % d’intentions de vote.
« Ce n’est rien de rappeler que le candidat du Front de gauche a fait exploser les niveaux très bas du score communiste de 2002 et de 2007, poursuit Roger Martelli. Mais il n’est pas anodin de relever qu’il est sensiblement au-dessus (+3,7 points) du total des voix du PCF et de l’extrême gauche en 2007. » Ce vote présente en outre une répartition territoriale équilibrée. « Alors que la rétractation du vote communiste de 1978 s’était accompagnée de sa dénationalisation, la distribution du vote Mélenchon en fait un phénomène national, sans zone de dangereuse marginalisation. » Dans cette homogénéité du vote Front de gauche (entre 7,2 % dans le Bas-Rhin et 17 % en Seine-Saint-Denis), l’historien discerne la juxtaposition de « deux composantes prometteuses : celle de l’espace électoral traditionnel du communisme français (Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais, contreforts du Massif central, littoral méditerranéen) et celle des terres historiques de la gauche non-communiste, Sud-Ouest, Ouest ou les Alpes ».
Cette carte du vote Front de gauche peut paradoxalement être un handicap aux législatives, où il est préférable de concentrer ses voix sur quelques circonscriptions. Sur la base des résultats de dimanche, ses candidats pourraient se maintenir dans 28 circonscriptions, mais ne seraient en tête dans aucune d’entre elles. À l’image de Christian Picquet, porte-parole de Gauche unitaire, pour qui « les idées que le Front gauche a portées tout au long de cette campagne sont largement majoritaires dans le peuple de gauche », les responsables du Front de gauche veulent croire qu’une fois Sarkozy battu, les électeurs de ce peuple de gauche porteront plus aisément leur vote sur leurs candidats. Du résultat des législatives dépendent l’assise parlementaire du Front de gauche et sa capacité à influer sur les choix gouvernementaux.
Au-delà des législatives, la pérennisation du Front de gauche apparaît pour toutes ses composantes comme l’enjeu central des mois à venir. Toutes proclament leur volonté de continuer. Ce qui ne sera pas possible, prévient la Fase, « si une composante veut participer à la majorité gouvernementale, en totalité ou en partie ». S’il n’exclut rien après les législatives, le PCF ne semble pas tenté par une telle participation. S’il se félicite que « plus personne ne parle de transformer le Front de gauche en un parti », le communiste Francis Parny, en charge des relations extérieures de son parti, assurait dimanche soir souhaiter « qu’il ne soit plus seulement un cartel d’organisations mais rassemble ceux qui ne veulent pas être dans un parti » et « devienne un mouvement populaire ».
La question des adhésions directes, pour l’instant impossibles, et de leur participation aux décisions, est sur la table. « Personne n’a la clé qui permettrait de dégager l’architecture démocratique propice à l’implication des individus et des personnalités qui veulent s’engager sans être membre d’une des organisations », reconnaît Clémentine Autain. L’animatrice de la Fase est toutefois confiante : la volonté existe au PG et au PCF d’« inventer un cadre politique nouveau qui n’existait pas au XXe siècle ». Jeudi dernier, lors de son dernier meeting, à Paris, Jean-Luc Mélenchon a surpris en annonçant la convocation d’une « convention », « sous la forme qui correspondra à ce que les partis sont prêts à faire », pour donner à voir la force et la permanence du Front de gauche. Résoudre cette question devient urgent pour éviter que les non-encartés qui ont rejoint le Front de gauche repartent, admet Francis Parny. Et pour accueillir ceux qui toquent à sa porte.
Lundi, la Gauche anticapitaliste (courant du NPA) a fait part dans un communiqué de sa « disponibilité à participer (…) à la recomposition politique en cours ». L’une de ses animatrices participera le 9 mai, à Saint-Denis, à une réunion de « postulants », issus de l’écologie (Stéphane Lavignotte), du NPA ou de l’altermondialisme (Christophe Aguiton), qui devrait apporter sa contribution à la réflexion sur la question de l’élargissement du Front de gauche.