La prohibition, une politique antidrogue obsolète

La « guerre à la drogue » et sa pénalisation ont échoué partout : place à de vraies réponses.

Patrick Piro  • 25 octobre 2012 abonné·es

La France, pilier majeur des doctrines de prohibition de la drogue dans le monde, s’obstine dans cette impasse : c’est le message de cet ouvrage, que l’actualité récente met en situation d’interpeller directement le gouvernement socialiste. Il y a dix jours, Vincent Peillon, ministre de l’Éducation se prononçait pour la dépénalisation du cannabis. Dimanche, Marisol Touraine, ministre de la Santé, a souhaité expérimenter des salles de consommation de drogues avant la fin de l’année. Malgré les rappels à l’ordre de son Premier ministre ( « la dépénalisation n’est pas à l’ordre du jour » ), le statu quo souhaité par François Hollande apparaît de plus en plus passéiste. En 1994, contrainte par l’explosion de l’épidémie de sida, la France s’était résolue à une politique de réduction des risques liés à la consommation. Mais guère au-delà de la distribution de seringues puis de substituts à l’héroïne. Alors que des salles de shoot (pour consommer « propre ») fonctionnent avec succès dans une demi-douzaine de pays européens, la modeste proposition de Marisol Touraine provoque l’émoi politique.

La consommation reste strictement pénalisée en France (même si elle est peu criminalisée), alors que la mesure est sans impact sur l’usage de drogues, selon de nombreuses études. Cependant, c’est sur le front de la répression du trafic que les auteurs apportent l’un des éclairages les plus intéressants de cet essai. Car ça bouge, et pas n’importe où, relèvent Anne Coppel, sociologue, et notre collaborateur Olivier Doubre, spécialiste de ces questions : dans les Amériques, Sud et Nord, un conclave historique a officiellement reconnu l’échec de la « guerre à la drogue », y compris de la part des États-Unis, après des milliards de dollars d’opérations militaires et 31 millions d’incarcérations en vingt-cinq ans. L’an dernier, une commission internationale comptant Kofi Annan, ex-secrétaire général des Nations unies, et plusieurs anciens présidents latinos appelait même à la fin de la prohibition.

La France ignore presque tout des développements d’une réflexion novatrice et pragmatique : puisqu’il est utopique de miser sur une éradication du trafic, réduisons les dommages qui y sont associés. À Boston, une coopération inédite (police, justice, santé…) a fait chuter la violence liée à la drogue. Au Portugal, la priorité au traitement social et sanitaire des toxicomanes a réorienté la stratégie de la police vers le grand trafic. En Espagne, grâce aux 300 « cannabis social clubs », des milliers de consommateurs échappent au marché illégal. À mille lieues du stérile « zéro tolérance » de Sarkozy, qu’Hollande peine encore à répudier.

Idées
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Gaza : trois livres à lire d’urgence
Livre 11 juin 2025 abonné·es

Gaza : trois livres à lire d’urgence

La tragédie qui se déroule sous nos yeux est décrite et analysée dans plusieurs ouvrages qui sont autant d’appels à une conscience humaine bien mal en point. Nous en avons déjà signalé plusieurs qui portaient sur les premiers mois du massacre. Nous en ouvrons ici de plus récents et de factures très différentes.
Par Denis Sieffert
François Sarano : « Il y a une vraie lueur d’espoir pour les océans si on s’en donne les moyens »
Entretien 9 juin 2025 abonné·es

François Sarano : « Il y a une vraie lueur d’espoir pour les océans si on s’en donne les moyens »

L’océanographe et plongeur professionnel ne se lasse pas de raconter les écosystèmes marins qu’il a côtoyés dans les années 1980 et qu’il a vu se dégrader au fil des années. Il plaide pour une reconnaissance des droits des espèces invisibles qui façonnent l’équilibre du monde, alors que s’ouvre ce 9 juin à Nice la Conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc).
Par Vanina Delmas
L’insurrection douce, vivre sans l’État
Idées 4 juin 2025 abonné·es

L’insurrection douce, vivre sans l’État

Collectifs de vie, coopératives agricoles, expériences solidaires… Les initiatives se multiplient pour mener sa vie de façon autonome, à l’écart du système capitaliste. Juliette Duquesne est partie à leur rencontre.
Par François Rulier
Isabelle Cambourakis : « On ne pourra plus revenir à une édition sans publications féministes »
Entretien 4 juin 2025 abonné·es

Isabelle Cambourakis : « On ne pourra plus revenir à une édition sans publications féministes »

Il y a dix ans, les éditions Cambourakis créaient la collection « Sorcières » pour donner une place aux textes féministes, écologistes, anticapitalistes écrits dans les années 1970 et 1980. Retour sur cette décennie d’effervescence intellectuelle et militante avec la directrice de cette collection.
Par Vanina Delmas