José Bové : « Il faut sortir des aides à l’hectare »

Le Conseil européen doit se réunir les 22 et 23 novembre pour fixer le budget de la politique agricole commune pour 2014-2020. Le député européen José Bové nous en explique les enjeux.

Claude-Marie Vadrot  • 22 novembre 2012 abonné·es

La politique agricole commune (PAC) demeure un grand sujet de discorde entre le Parlement européen, la Commission européenne et certains pays membres de l’UE. José Bové, député européen Europe Écologie-Les Verts (EELV) et vice-président de la Commission agriculture de Bruxelles, déplore la menace d’un blocage des négociations.

Toutes les négociations concernant le vote du budget de la PAC sont-elles bloquées, et quelles sont les conséquences prévisibles ?

José Bové : Un certain nombre de pays, essentiellement l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les pays nordiques, veulent réduire le budget de la PAC de 5 à 10 %. De nombreux gouvernements considèrent en effet qu’il est impératif de diminuer les aides allant à l’agriculture, c’est-à-dire le deuxième pilier de la PAC (les crédits dédiés au développement rural et non liés aux quantités de denrées produites), ce qui affecterait son verdissement, puisque 30 % des aides de la PAC sont liées à la préservation de l’environnement. Comme il s’agit d’aides cofinancées par les gouvernements, un blocage de ces derniers signifierait une chute du financement des précautions écologiques.

Quelles aides resterait-il alors ?

On continuerait comme avant, en finançant surtout le premier pilier, c’est-à-dire les aides directes (les primes versées aux producteurs pour compenser les baisses de prix), qui aboutissent au fait que 80 % des aides sont captées par 20 % des exploitations, celles qui en ont le moins besoin. Or, les parlementaires d’EELV proposent justement de plafonner ces aides à 100 000 euros par exploitation, alors que la limite est actuellement de 300 000 euros. Mais une majorité des États membres refusent ce plafonnement, qui dégagerait pourtant 7,5 milliards d’euros pour aider les petites fermes. Celles de moins de 50 hectares, des fermes de polyculture et d’élevage qui, souvent, se consacrent à des productions bios.

D’où proviennent ces résistances ?

En France, le « non » à l’austérité budgétaire européenne l’emporte. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, les syndicats agricoles, les députés européens de gauche sont tous opposés à la baisse du budget de la Politique agricole commune (PAC), qui représente 40 % du budget européen, mais avec des motivations différentes. Tous l’ont fait savoir avant le sommet européen des 22 et 23 novembre. La France rejette la proposition de réduire de 25,5 milliards d’euros les crédits de la PAC, présentée par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, mais elle devra travailler à la recherche d’un compromis avec des pays favorables à la dérégulation des marchés agricoles, notamment le Royaume-Uni, l’Allemagne, la République tchèque, etc. Il est déjà prévu de geler le budget, ont prévenu les députés membres de la commission Agriculture du Parlement européen, qui ont décidé de reporter le vote du rapport sur l’avenir de la PAC. Les eurodéputés craignent que le débat budgétaire ne remette en cause la réforme, certains pays étant contre le plafonnement des aides directes, « qui financent surtout les grandes exploitations agricoles », dénonce la Coordination européenne Via Campesina.
En France, les céréaliers de la FNSEA exercent de fortes pressions, alors qu’ils n’ont pas vraiment besoin d’aides, vu le niveau élevé des cours des céréales. Le système est pervers car, pour eux, cet argent de l’Europe n’est qu’un super-bonus qui va manquer aux paysans que cela pourrait aider à maintenir le maillage rural et une agriculture de proximité, bio ou pas. Il faut sortir de ce système et renoncer, au moins en partie, aux aides mécaniques à l’hectare. À EELV, nous voulons soutenir des cultures qui intègrent la possibilité de la rotation des cultures, seule méthode compatible avec une agriculture à la fois respectueuse de l’environnement et de la vie des paysans.

Y a-t-il d’autres points de friction ?

Oui, à propos des agrocarburants, qu’il faudrait ne plus soutenir. Or, la France vient de décider de passer à 7 % la quantité maximale de carburants végétaux à incorporer à l’essence et au diesel, tandis que l’Europe l’a fixée à 5 %. Il nous faut obtenir que les cultures pour faire rouler les voitures disparaissent progressivement, et que soient supprimées les aides qui leur sont attribuées et se montent chaque année à plusieurs centaines de millions d’euros.

Écologie
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